Santé mentale des 13 18 ans : des données alarmantes
Mar 14 Mar - 11:29
Des chiffres qui doivent interpeller les professionnels de la #Santé Mentale des #adolescents en France. Le Trouble de la Personnalité borderline (TPB) est caractérisé par un mode envahissant et persistant d’instabilité et d’impulsivité. Au sein des populations de patients, les données américaines montrent une prévalence de 6,4% pour une population reçue en consultation de médecine générale. Elle est de 10 à 23% chez les patients reçus en ambulatoires pour divers troubles mentaux non psychiatriques et de 20% chez les patients psychiatriques hospitalisés.
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Le TPB suscite beaucoup d’intérêt en termes de recherches depuis plusieurs décennies, autant pour ce qui concerne sa compréhension que sa prise en charge. Les résultats obtenus avec le DIB-R (1) utilisé en clinique de l’adolescent, restent sujets à controverse. Néanmoins, de nombreux auteurs pensent qu’un ensemble d’arguments convergents rend légitime son utilisation dans cette tranche d’âge. Pour les enfants et les adolescents, les données sont rares et les échantillons sont encore plus faibles. Une étude française menée en utilisant le DIB-R adapté pour les adolescents a mis en évidence une prévalence élevée du TBP pour cette population de moins de 18 ans (10% chez les garçons et 18% chez les filles). Aujourd’hui le concept de TPB est désormais popularisé dans le langage commun et largement diffusé sur les réseaux sociaux comme Facebook et YouTube où de nombreux internautes viennent partager leurs expériences et leur vécu.
Il n’en va hélas, pas de même, pour la communauté scientifique française qui suit les directives du DSM-5 recommandant de ne pas poser le diagnostic de TPB avant l’âge de 18 ans. Cette directive est dommageable pour la santé des jeunes et des adolescents de moins de 18 ans. En effet les études de suivi (Zanarini et al, 2003 2006) montrent que les chances de rémissions sont réelles si le diagnostic est posé plus tôt, lorsque les symptômes sont nets et persistants : le taux de rémission est de 74% après 6 ans et de 88% après 10 ans. Cela prouve qu’un diagnostic précoce augmente les possibilités d’une rémission rapide des symptômes. Notons cependant que « rémission » doit être entendu comme une réduction du nombre de symptômes, qui passe sous le seuil diagnostique et pas nécessairement la disparition complète du trouble.
La population de jeunes patients présente deux catégories de symptômes. La première, caractérisée par la colère et le sentiment d’abandon tend à être stable ou persistante, tandis que l’autre qui concerne l’auto-agressivité et les tentatives de suicide serait instable ou moins persistante.
En observant les catégories de tranches d’âges des personnes qui ont répondu au questionnaire proposé par l’AFORPEL « Êtes-vous borderline », on s’aperçoit que 4,9% des répondants déclarent être âgés de 14 ans alors que le % n’est que de 2.05 pour les 13 ans. Or, une étude réalisée en 2011 (2) précise que le pic de fréquence des symptômes du TPB se situerait à l’âge de 14 ans. D’un point de vue biologique, cela peut s’expliquer par le fait que cette période correspond à la puberté, période propice aux bouleversements émotionnels de toutes sortes. C’est également Les % augmentent selon le tableau suivant. L’étude effectuée par Biskin et al prouve que les taux de rémission sont élevés lorsque le diagnostic est fait durant l’adolescence.
Les chiffres issus des statistiques de l’AFORPEL présentés dans le tableau ci-dessous confirment le bien fondé d’effectuer un diagnostic précoce.
Pourtant, en dépit des taux de rémission élevés, la présence d’un TPB à l’adolescence est loin d’être anodine. En plus des complications inhérentes au trouble déjà mentionnées, les risques de survenue d’autres événements négatifs ne doivent pas être négligés. Par exemple, 80% des adolescents avec un TPB présenteront à l’âge adulte un trouble de la personnalité, même si le TPB ne sera présent que chez 16% d’entre eux.
Une étude internationale en langue française chez des adolescents, menée par l’European Research Network sur le TPB, a montré que le TPB est très souvent associé aux comorbidités suivantes : dépression (71,4%), anorexie (40,2%), boulimie (32,9%), abus d’alcool (23,5%) et abus de substance (8,2%) avec une prédominance de la comorbidité personnalité antisociale chez les garçons. Enfin, le risque de mort par suicide chez les jeunes patients souffrant de TPB est estimé entre 4 et 10%. C’est l’un des taux les plus élevés parmi les troubles psychiatriques. Notons que ce risque est plus élevé en cas d’abus de substance toxiques.
Les familles des adolescents doivent se confronter aux demandes d’autonomie de leur enfant tout en les protégeant et doivent apprendre à gérer un stress considérable lié aux comportements de prise de risque de leurs ados. En plus des complications physiques liées aux comportements autoagressifs (scarifications, tentatives de suicide, comportements sexuels à risques), les enfants et les adolescents souffrant de TPB (diagnostiqué ou non) sont exposés à des risques en relation avec leur impulsivité, le plus souvent liés à des accidents, aux abus de toxiques et aux maladies sexuellement transmissibles. L’instabilité dans les relations émotionnelles et interpersonnelles liée au trouble borderline entraîne des problèmes de communication entre parents et enfants. C’est pour répondre à leurs interrogations que l’AFORPEL propose depuis 2021 des sessions de psychoéducation pour les proches des personnes borderline.
A propos de Pierre Nantas
Pierre Nantas est psychothérapeute, spécialisé dans l’accompagnement des personnes borderline et de la souffrance au travail. Il est l’auteur de quatre ouvrages :
La bienveillance, quand elle s’invite en psychothérapieChanger de vie, « yes you can » (co-écrit avec J.A.Pinçon)
Le système borderline, histoires de familles. (co-écrit avec le Dr P.Menu)
Faire face au trouble de la personnalité borderline (co-écrit Manon Beaudoin)
(1) Diagnostic Interview for Borderline-Revised
(2) Biskin et al
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