Présidentielles 2022 : le sondage IFOP sur le vote des banlieues populaires et quartiers prioritaires
Lun 24 Jan - 11:18
Cette étude Ifop/ Écran de veille a été publiée le vendredi 21 janvier 2022. Elle analyse les intentions de vote présidentielles dans les banlieues populaires et les enjeux du vote dans ces territoires.
PRESIDENTIELLE : POUR QUI VOTERONT LES ‘‘BANLIEUES POPULAIRES’’ ?
« Étude Ifop pour Ecran de Veille réalisée par questionnaire auto-administré en ligne du 13 au 16 décembre 2021 auprès d’un échantillon de 1 003 personnes, représentatif de la population adulte résidant dans les 10% des « banlieues les plus pauvres » de France métropolitaine. » Si les « banlieues » ont pu focaliser l’attention médiatique lors de précédentes campagnes présidentielles (ex : 2007), elles sont cette année relativement délaissées par des candidats qui y voient soit des territoires sans électeurs, soit des zones repoussoirs marquées par l’insécurité, le repli communautaire ou le terrorisme…
Afin d’y voir plus clair sur les comportements électoraux et les enjeux du vote au sein de ces territoires paupérisés, Écran de veille, la revue mensuelle du site GlobalWatchAnalysis, a commandé à l’Ifop une enquête dans les villes de banlieues les plus populaires. Réalisée auprès d’un échantillon national représentatif des 10% des banlieues les plus pauvres de France, cette étude montre que la gauche a perdu une grande partie du vote des « banlieues populaires » sauf au sein des quartiers concentrant le plus de difficultés (« quartiers prioritaires ») où des candidats de la gauche radicale comme Jean-Luc Mélenchon dominent les intentions de vote. Quant aux ressorts du vote de ces banlieues, ils apparaissent davantage portés par des demandes « matérielles » d’ordre socio-économique que par des questions de société comme la lutte contre les discriminations, le racisme ou le sexisme.
LA DEFINITION DES « BANLIEUES POPULAIRES » DANS L’ENQUETE
Par « banlieues pauvres », l’Ifop entend les communes situées en périphérie d’une agglomération qui affichent un niveau de vie médian annuel par habitant (RMUC) qui les classent parmi les 10% des « banlieues » les plus pauvres de France. Ce champ d’enquête n’intègre donc pas seulement les quartiers prioritaires (QPV) définis par la politique de la Ville mais l’ensemble des habitants des villes périphériques les plus pauvres de France. Cette délimitation est volontairement plus large que celle des quartiers prioritaires (QPV) qui n’intègre pas les quartiers de moins de 1 000 habitants et les agglomérations de moins de 10 000 habitants. Par ailleurs, le critère adopté par l’Ifop pour repérer les zones de concentration urbaine à bas revenu repose sur un critère unique de revenu à la fois plus strict (les 10% les plus pauvres) et plus global (le même pour toutes les communes) que celui adopté pour les QPV.
2012-2022 : des banlieues populaires qui votent de moins en moins à gauche…
En une dizaine d’années, la gauche a perdu une grande part de l’assise électorale qu’elle détenait historiquement dans les banlieues populaires, et ceci principalement au profit de la droite « nationale populiste ».
Les divers candidats de gauche rallient aujourd'hui à peine plus d’un tiers (36%) des suffrages dans les villes périphériques les plus pauvres de France alors qu’ils en captaient plus de la moitié (54%) en 2012. Et au sein de la gauche, l’inversion du rapport de force déjà observé en 2012 se confirme. Avec 26% des voix (dont 20% rien que pour Jean-Luc Mélenchon), les candidats de la gauche radicale (Mélenchon, Roussel…) dominent largement les représentants d’une gauche modérée (Jadot, Hidalgo…) qui y captent aujourd'hui trois fois moins de voix (10%) qu’il y a dix ans (36,4% en 2012).
RAPPORT DE FORCE DANS LES BANLIEUES POPULAIRES A L'ÉLECTION PRÉSIDENTIELLE
- Evolution du vote dans les banlieues populaires depuis 2012 par grand bloc politique -
Contrairement aux idées reçues, les « banlieues populaires » ne sont plus des fiefs acquis à la gauche, notamment les communes paupérisées (ex : Nord-est de la France, périphéries des villes du bassin méditerranéen) ne correspondant pas au cliché de « cité » à forte proportion d’habitants d’origine immigrée. Dans ces territoires marqués par des niveaux élevés de chômage et de pauvreté, mais aussi d’insécurité et déficit des services publics, les sirènes des candidats aux discours identitaires ou sécuritaires portent de manière notable, empêchant les « gauches » d’y retrouver l’attrait qui fut leur pendant longtemps. Ces résultats mettent donc en lumière un certain hiatus entre la réalité de leurs comportements politiques et les représentations du corps électoral de ces banlieues souvent produites à l’usage des candidats.
… sauf dans les quartiers prioritaires où persiste un net sur-vote pour Jean-Luc Mélenchon
Ce vote de l’ensemble des « banlieues pauvres » masque toutefois un profond clivage entre les quartiers prioritaires (QPV) de la politique de la ville – où dominent des candidats de la gauche radicale comme Jean-Luc Mélenchon – et les autres quartiers beaucoup plus sensibles aux sirènes des droites radicale ou modérée.
Ce clivage vient confirmer « l’effet de lisière » en faveur du FN observé dans les quartiers limitrophes des quartiers HLM à forte populations d’origine maghrébine ou sub-saharienne. A partir des résultats des élections de 2012 et de 2014, Jérôme Fourquet a en effet noté que c’était dans les bureaux de vote à faible proportion de personnes issues de l’immigration – mais jouxtant souvent les bureaux de vote où résidait majoritairement une population issue de l’immigration – que le FN obtenait ses scores les plus importants.
LES INTENTIONS DE VOTE AU PREMIER TOUR DANS LES BANLIEUES POPULAIRES
- Comparaison avec les résultats observés à l’échelle nationale (France métropolitaine)
Les banlieues populaires voteront avant tout en fonction de questions exprimant des besoins d’ordre matériel et sécuritaire
Qu’ils résident ou non dans les quartiers prioritaires, l’analyse des motivations des électeurs de ces banlieues fait ressortir de fortes attentes à l’égard des services publics (santé, éducation, sécurité des biens et des personnes) et de besoins très matérialistes et socioéconomiques (pouvoir d’achat, précarité, chômage).
LES ENJEUX DÉTERMINANTS DU VOTE À L'ÉLECTION PRÉSIDENTIELLE
- Comparaison entre les banlieues populaires et l’ensemble des Français -
L’analyse des motivations des électeurs des banlieues populaires va dans le même sens que ceux d’une récente enquête auprès des ouvriers américains, étude qui montrait que ces derniers étaient moins sensibles aux thématiques progressistes (ex : genre, antiracisme…) qu’aux enjeux économiques et sociaux permettant d’améliorer leurs conditions de vie matérielles. L’absence de sensibilité des banlieues à ces thématiques progressistes contredit ainsi la thèse dite « Terra nova » (2011) qui incitait alors le PS à constituer un nouvel électorat urbain comprenant « les diplômés », « les jeunes », « les minorités des quartiers populaires » et « les femmes » autour des « des valeurs culturelles, progressistes ». Car le moins qu’on puisse dire, c'est que ces combats progressistes ne sont pas les plus porteurs chez les habitants des banlieues populaires
François Kraus,
directeur du pôle « Politique / Actualités » à l’Ifop
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Le point de vue de David Gouard, spécialiste des comportements électoraux dans les quartiers populaires, Maître de conférence en Science politique à l’université Toulouse-Jean Jaurès, David Gouard étudie les comportements électoraux dans les quartiers populaires périphériques, « où se trouve la quintessence du rapport des Français au politique, entre sentiment d’abandon et hostilité envers les politiques », explique-t-il à Ecran de Veille.
«Même si l’abstention progresse en France - comme dans toutes les démocraties occidentales - l’élection présidentielle continue de mobiliser. (…) La participation sera un peu moins haute, mais ces quartiers se mobiliseront tout de même. Dans ces territoires marqués à gauche, on constate une forme de polarisation pour le candidat de gauche le mieux placé, avec moins de dispersion des voix qu’ailleurs : Hollande en 2012, Mélenchon en 2017 ».
Par le passé, les banlieues ont aussi fait barrage contre une figure jugée repoussoir, comme l’ont été Jean-Marie Le Pen en 2002, Nicolas Sarkozy en 2007 et 2012 – détesté depuis les émeutes de l’automne 2005 – Marine Le Pen en 2017 ou Éric Zemmour aujourd’hui.
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