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Gilles Roman
Gilles Roman
Admin
Date d'inscription : 04/05/2015
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01022020
#Municipales2020 #Lyon
Mineurs isolés : Collomb prêt à remettre les enfants à la rue 
C’est le sujet qui a provoqué la rupture entre Gérard Collomb et David Kimelfeld. Quand son successeur à la tête de la métropole a pris en main le dossier des mineurs isolés, le ministre de l’Intérieur y a vu une contestation de sa propre politique en matière d’immigration et le lui a vertement fait savoir. « Je suis président de la métropole, j’assume mes choix et je n’en changerai pas » lui a répondu David Kimelfeld. Naturellement, le sujet resurgit dans la campagne. Et pourrait faciliter le rapprochement des différentes listes de gauche au 2e tour.
« De tels propos sont à la fois mensongers, polémiques et infondés ». David Kimelfeld ne décolère pas après le nouvel esclandre de Gérard Collomb en marge de la cérémonie des voeux de la mairie du 4e, quand le maire de Lyon a déambulé longuement en tenant des propos catastrophistes sur l’évolution du quartier. Le sujet du litige concerne une nouvelle fois la question de l’accueil des mineurs isolés dans l’agglomération. La différence de vue fondamentale entre les deux hommes sur ce dossier est pour beaucoup dans leur rupture et le fait qu’ils se présentent aujourd’hui sur des listes concurrentes pour les élections métropolitaines des 15 et 22 mars prochain. Une nouvelle fois, Gérard Collomb s’est donc emporté sur le « laxisme » dont ferait preuve son successeur à la présidence du Grand Lyon, en prenant exemple sur le squat de l’ancien collège Maurice Scève, qui accueille un peu moins de 200 personnes, dont une cinquantaine se disent mineurs. Une nouvelle fois, il a répété que les actions en faveur de ces jeunes constitueraient un « appel d’air », propice à provoquer « un afflux migratoire considérable ». Et de lâcher : « Vous verrez la situation dans dix ans ! Vous verrez ce que sera devenue la douceur de vivre à la Croix-Rousse !»
Entre les deux hommes, ce n’est pas une simple divergence qui s’exprime ici, mais bien une ligne de rupture sur la définition qu’ils font de « l’humanisme lyonnais » et plus profondément du sens de leur engagement politique. Gérard Collomb n’a jamais été très porté sur les questions sociales, cela lui a été reproché à gauche dès les premières années après son élection en 2001. Sa conviction est que le rôle du politique est d’abord d’attirer des emplois et que le reste suivra par « ruissellement ». Au final, ses 20 années à la tête de la mairie de Lyon ont laissé un bilan relativement pauvre en matière d’innovation sociale, à l’exception notable du logement social, Gérard Collomb étant un des grands promoteurs des opérations de démolitions-reconstructions destinées à assurer une meilleure mixité dans l’agglomération. Pour le reste, sa politique se résume à l’expression familière : « J’ai déjà donné ». Gérard Collomb estime que sa ville est suffisamment « solidaire » déjà, pour aujourd’hui se permettre de repousser la misère du monde au-delà de ses frontières.

« Rien à envier à la droite la plus extrême »

Son ancien vice-président au logement, le fondateur de Forum Réfugiés Olivier Brachet, date ce revirement aux débuts de son troisième mandat, en 2014. C’est d’ailleurs ce qui l’avait amené à claquer la porte, en dénonçant un Gérard Collomb qui, sur ses sujets, n’aurait « rien à envier à la droite la plus extrême ». Nathalie Perrin-Gilbert, elle, juge bien naïfs ceux qui ont attendu autant pour réaliser « l’hypocrisie de l’humanisme à la lyonnaise dont parle tout le temps Gérard Collomb. Pour moi, il a oublié les fondamentaux de ce qui faisait son engagement en politique ». Candidate soutenue par la France Insoumise, la maire du 1er n’a jamais pardonné à son ancien mentor certaines décisions « autoritaires et arbitraires », et notamment le fait d’avoir coupé l’eau des fontaines publics du jardin des chartreux, en pleine vague de chaleur à l’été 2016, pour que les roms qui avaient trouvé refuge dans une rue adjacente ne puissent plus venir s’y abreuver.
Mais le sujet des mineurs isolés marque un vrai point de rupture entre Gérard Collomb et le terreau associatif et militant qui avait soutenu sa conquête du pouvoir 15 ans plus tôt. Arrivés sur le territoire sans proche pour les prendre en charge, ils relèvent de la protection de l’enfance. Et donc de la Métropole, le grand oeuvre politique de Gérard Collomb, puisqu’elle a récupéré les compétences du département en la matière. De quelques cas isolés, le nombre d’arrivées a commencé à exploser à partir de 2015, l’année de création de cette collectivité locale. Rien de très surprenant, lorsque l’on se souvient qu’un million de personnes ont traversé cette année la Méditerranée, provoquant une crise de l’accueil un peu partout en Europe. Rapidement, les services dédiés de la métropole ne parviennent plus à faire face, ne disposant tout simplement pas des moyens nécessaires. Les jeunes sont alors massivement rejetés à la rue. Lorsque David Kimelfeld arrive à la métropole, le 10 juillet 2017, en remplacement d’un Gérard Collomb devenu ministre de l’Intérieur, il découvre « une crise qui n’a pas du tout été gérée. Rien n’a été anticipé, aucun budget, aucun dispositif n’est prévu. On a donc pris du retard ». Son administration assurait pourtant jusque-là, contre toute évidence, qu’il n’y avait « pas de mineurs laissés à la rue », que les jeunes dehors étaient en réalité majeurs et relevaient donc des dispositifs d’urgence gérés par la préfecture… qui les refusaient, puisqu’ils étaient mineurs ! À l’automne 2018, Gérard Collomb ministre de l’Intérieur (https://www.facebook.com/watch/?v=363160020832842) continue de minimiser cette crise humanitaire en répondant à Hugo Clément de Kombini news qu’il « ne pense pas » qu’il y ait des mineurs isolés dans les rues de Paris, ou alors c’est qu’ils « refusent d’être pris en charge ».
Dès l’été 2017, la crise ne pouvait pourtant plus être ignorée, à Paris comme à Lyon, avec des centaines de jeunes qui errent en centre-ville et un squat géant qui se constitue à la gare de la Part-Dieu. Plusieurs associations s’émeuvent de voir au milieu de migrants de différentes origines, des dizaines d’adolescents manifestement très jeunes et totalement vulnérables. Des collectifs d’accueillants se mettent alors en place, portés notamment par des réseaux chrétiens, des militants de gauche, des habitants de la Croix-Rousse, des étudiants de Lyon 2, des habitants des Monts d’or… et beaucoup d’autres citoyens qui s’improvisent accueillants parce qu’ils ont été émus par un ado laissé dehors, dans l’attente de sa prise en charge.

« Sur ce sujet, il y a eu une amélioration, oui »

Si elle se sert politiquement du sujet pour ferrailler avec David Kimelfeld et Gérard Collomb, Nathalie Perrin-Gilbert fait partie des élus qui se mobilisent alors réellement sur ce sujet, libérant une salle de son arrondissement pour les associations, multipliant les courriers et SMS pour trouver des solutions individuelles au cas les plus dramatiques… Élu de gauche d’opposition à la Métropole, André Gachet (soutien aujourd’hui des listes de « la gauche unie » menées par Renaud Payre et Sandrine Runel) avait appelé dès 2015 à une « conférence de consensus » sur ce sujet. C’est finalement David Kimelfeld qui saisira perche en mai 2018. « Il a pris le dossier à bras le corps, y compris en me permettant moi, élu d’opposition, d’engager une démarche de concertation. On a abouti à 14 propositions six mois plus tard et la Métropole a lancé un appel à projet pour trouver des solutions, sur l’hébergement, mais aussi sur le social, le médical, l’accompagnement, scolaire… On n’est pas arrivé au bout de tout, mais quand même il s’est passé quelque chose » reconnaît-il. « On a un certain nombre de divergences, mais sur l’écoute, sur l’action sociale, ce qui a été fait ne l’aurait pas été si David Kimelfeld n’avait pas succédé à Gérard Collomb en cours de mandat » ajoute André Gachet. Pour l’instant, la « gauche unie » ne se prononce pas en faveur d’une alliance au 2e tour avec David Kimelfeld, jugé encore trop « LREM », mais on comprend que ce sujet pourrait faire pencher la balance. Il en va d’ailleurs de même du côté des écologistes : leur chef de file à la métropole, Bruno Bernard, tient toujours ses distances avec l’actuelle président de l’agglomération, mais reconnaît que « sur ce sujet, il y a eu une amélioration, oui ».
À droite, le propos du candidat investi par LR François-Noël Buffet est plus proche de celui de Gérard Collomb. Il estime en effet que David Kimelfeld « manque de fermeté », et qu’en la matière cela « crée toujours un appel d’air, car ce sont en réalité les réseaux qui orientent les migrants. » Comme sénateur, il s’enorgueillit d’avoir fait voter le fichier unique des mineurs étrangers au plan national, pour éviter que certains jeunes essaient de faire reconnaître leur minorité dans des départements différents. Une situation apparemment marginale, puisque Forum réfugiés assure qu’elle n’a été saisie d’aucun cas de « doublon » dans la métropole depuis que le fichier a été mis en oeuvre. Pour le reste, François Noël Buffet s’avère plus indulgent que Gérard Collomb avec David Kimelfeld, puisqu’il estime que « ce qui est fait à la métropole a l’air correct ».

Pas « d’appel d’air » constaté

Concrètement, c’est l’ONG Forum réfugiés qui s’est vue confiée depuis 2018 l’évaluation de minorités des jeunes. Une tache compliquée, car il n’existe aucune méthode totalement fiable pour définir un âge. Selon la loi, les mineurs étrangers doivent être mis immédiatement à l’abri pour une période de 5 jours, à la fin de laquelle les travailleurs sociaux évaluent son âge après avoir mené une série d’entretiens. Un cadre que l’ONG n’a pas toujours réussi à assurer, reconnaît son directeur Jean-François Ploquin« Mais la situation s’est nettement améliorée. Il n’y a plus d’évaluation faite en quelques heures. Et sur le dernier trimestre, nous sommes parvenus à ne laisser aucun jeune à la rue durant sa période d’évaluation. Alors que sur les 11 premiers mois de 2019, sur 900 jeunes que nous avons accueillis et évalués, 400 l’ont été sans hébergement, faute de place » assure-t-il. Cette sortie de crise a été permise selon lui par deux mouvements parallèles, d’une part « la création de places par la Métropole, qui a naturellement pris un peu de temps puisqu’ils ont du trouver les lieux, recruter des éducateurs… Et d’autre part, un flux des arrivées qui a été divisé par deux. Entre juin et octobre 2018, on était entre 130 et 170 jeunes qui arrivaient par mois. Sur la même période en 2019, nous sommes entre 50 et 85. »
S’il est difficile d’établir les raisons de ce reflux, il vient en tout cas contredire tout prétendu « appel d’air ». David Kimelfeld est même convaincu qu’il y a eu un effet inverse : « Je ne crois pas qu’un adolescent au fin fond de la Libye se dise "tiens c’est super ce qu’ils font, je vais venir à Lyon". Au contraire, dans la mesure où on encadre et on organise, on tape les filières clandestines et les marchands de sommeil. » Jean-François Ploquin lui donne raison : « C’est quand on ne maîtrise pas que les problèmes émergent. La réponse de la métropole doit simplement être à la hauteur du besoin ». Et de relever que Lyon s’est aussi inscrite dans le dispositif de solidarité nationale, qui a permis que 80 mineurs en 2019 aient été réorientés et pris en charge dans d’autres départements. 

« Pas un euro supplémentaire sur les dépenses sociales »

Les équipes de Gérard Collomb ne nous ont - pour l’instant - pas répondu sur la question des mineurs isolés. S’il est réélu, osera-t-il remettre en cause ce qui a été fait par son successeur et qui semble plutôt faire consensus aujourd’hui au sein de l’assemblée métropolitaine, alors que Gérard Collomb y avait vu une gabegie ? David Kimelfeld en est convaincu. « Si Gérard Collomb est réélu, il va repasser les mêmes consignes qu’il avait passées aux services en 2015 et 2016 : pas un euro supplémentaire sur les dépenses sociales dans cette métropole. Il l’a fait y compris d’ailleurs en exigeant des choses un peu ahurissantes puisque certaines dépenses ne dépendent pas de nous. Quand l’allocation du RSA augmente, ce n’est pas la métropole qui en décide, c’est l’État, donc il faut bien le prendre en compte… » Malgré les montants conséquents qui ont été débloqués, il « refuse de dire que cela coûte cher. C’est notre compétence, il faut l’exercer. Ou alors on renonce à ramasser les poubelles, à rénover les routes, à financer les transports en commun, parce que ça coûte cher… » Et de préciser : « Ce n’est pas parce que l’on met 35 millions d’euros pour les mineurs non accompagnés, sur un budget de 3,5 milliards, que l’on va dégrader l’attractivité de la métropole, que les entreprises ne voudront plus venir, que les commerces vont fermer… Cette vision apocalyptique de Gérard Collomb n’a aucun sens ».
Si la rupture entre Gérard Collomb et David Kimelfeld est intervenue aussi vite, et précisément sur ce dossier des mineurs isolés, c’est que le ministre de l’Intérieur avait immédiatement perçu les actions de son dauphin comme une remise en cause profonde de la politique qu’il mène alors au niveau national. Ministre d’État et numéro 2 du gouvernement, Gérard Collomb assume alors une politique répressive en matière d’immigration, qui suscite rapidement l’indignation quand il dénonce le « benchmarking » dont les migrants feraient preuve pour choisir leur destination, ou lorsqu’il se rend à Calais pour appeler les associations à « aller déployer leur savoir-faire ailleurs ». Plutôt que de montrer une quelconque solidarité avec l’Italie, qui voit alors exploser le nombre d’arrivées sur son territoire, il prend prétexte de la convention de Dublin pour renvoyer des migrants de l’autre côté de la frontière franco-italienne, y compris sur des cols de montagne. L’extrême-droite le félicite alors et Génération identitaire lui propose ironiquement son « aide » pour mener « cette politique de fermeté ». Finalement, le Gérard Collomb ministre semble raisonner comme le Gérard Collomb maire de Lyon, en pariant que l’opinion sera avec lui et que les indignations humanistes ne lui font au final pas une si mauvaise publicité… Les propos qu’il a tenus en marge des voeux du 4e semblent indiquer qu’il n’a pas changé de ligne. 
Raphaël Ruffier-Fossoul
pour L’Arrière-Cour
 

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