Lyon est, après Nice, la ville la plus équipée en caméras de surveillance ! Attendu depuis trois ans, l’audit sur la #vidéosurveillance de la Ville de #Lyon constitue pourtant un véritable aggiornamento des écologistes en la matière. Au grand dam de l’ancien adjoint aux marchés publics Étienne Tête (EELV).
Un article de l'Arrière cour, signé Raphaël Ruffier-Fossoul et illustré par Jibé.
« C’est n’importe quoi. » L’ancien adjoint écologiste Étienne #Tête, grand pourfendeur de la vidéosurveillance, ne comprend toujours pas le choix du maire de Lyon, Grégory #Doucet, d’investir dans six nouvelles caméras de vidéosurveillance par an d’ici à la fin du mandat. « Qu’on maintienne le parc actuel en l’état, cela ne me choque pas. Compte tenu de l’effet placebo de la vidéosurveillance, ça ne peut pas s’arrêter du jour au lendemain. Mais investir dans de nouvelles caméras, c’est envoyer le message que l’on pense que c’est efficace ! C’est surtout ce symbole qui est choquant, car sur le fond, il va y avoir 5% de caméras en plus, ça ne va rien changer. »
En charge des marchés publics lors du premier mandat de Gérard #Collomb à la Ville de Lyon, Étienne Tête s’était opposé au déploiement des caméras de vidéosurveillance voulu par le maire socialiste à partir de 2001, au nom du bon usage de la dépense publique, estimant les caméras inefficaces et trop chères. Ses prises de position ont longtemps semblé donner le « la » chez les écologistes, prompts à dénoncer comme lui le « lobby de la vidéosurveillance ».
Cet « héritage » semble avoir été un peu difficile à gérer pour Grégory Doucet. Lors de son élection à la Ville de Lyon, il a d’abord promis un audit sur la vidéosurveillance, avant de définir sa politique en la matière. Après deux appels d’offres non concluants, faute de candidats jugés suffisamment indépendants des fournisseurs de caméras, il a fini par confier la mission à son inspection générale des services. Cette dernière a rendu son rapport en mars. Pour accoucher d’une réponse de Normand : « On ne peut pas dire que la vidéosurveillance est efficace, ni qu’elle est inefficace », résume l’adjoint à la sécurité, Mohamed Chihi. L’audit interne estime surtout que le dispositif municipal de 571 caméras, pour un coût annuel de 2 millions d’euros, est « équivalent à celui des autres grandes métropoles françaises » et « proportionné à la superficie de la ville et au nombre de ses habitants ».
L’adjoint à la sécurité a donc annoncé dans la foulée que la Ville suivrait la recommandation faite par l’audit de « redéployer le parc existant », suggérant notamment que des caméras très peu utilisées de la Cité internationale pourraient être réinstallées dans des quartiers qui en sont dépourvus, comme le 4e arrondissement, ou qui en manquent, comme les abords de la préfecture. Plus inattendu, il a indiqué que la Ville investirait chaque année dans six caméras nomades supplémentaires, jusqu’à ce que le parc total atteigne la barre symbolique des 600 caméras. « Un éléphant qui accouche d’une souris », dénonce David #Kimelfeld. L’ancien président de la Métropole tacle au passage un maire et un adjoint qui, « dans la même phrase, peuvent dire que la vidéosurveillance est utile et que c’est inutile ». « Est-ce qu’on avait besoin de trois ans pour reconnaître que ça marche ? », ajoute le député de Lyon Thomas #Rudigoz (Renaissance), qui aurait aimé « beaucoup plus de caméras ».
« L’audit démontre que Lyon est la ville la mieux équipée après Nice »
Si le maire de Lyon ne le reconnaît pas ainsi, cette annonce est l’occasion d’enfin tourner la page d’un feuilleton qui donnait le sentiment d’une valse-hésitation sur la politique de tranquillité de la Ville. L’opposition n’avait d’ailleurs pas manqué de s’y engouffrer, à commencer par le ministre de l’Intérieur Gérald Darmanin qui, lors de sa venue très médiatique à Lyon en septembre dernier, avait dénoncé une ville « sous-dotée en caméras de vidéoprotection ».
Interrogé en marge d’une réunion des maires écologistes, Grégory Doucet en a profité pour dénoncer une instrumentalisation politique : « L’audit démontre qu’on est la ville la mieux équipée après Nice. On est bien mieux équipés que Toulouse, qui a une population quasi identique. Mais vous avez entendu le ministre de l’Intérieur réclamer plus de caméras au maire de Toulouse (l’ex-LR Jean-Luc Moudenc, NDLR) ? » Il dit retenir surtout de l’audit le fait que le dispositif lyonnais est parfaitement proportionné et tout à fait efficace : « On a un système qui est hyper-performant. L’audit vient dévoiler aussi que les relations entre les agents municipaux et la police nationale sont très fluides, ça marche très bien. Alors, pourquoi vient-on critiquer un système aussi efficace ? » Le maire de Lyon ne souhaite pas prendre Nice, la seule ville française qui paraît nettement mieux équipée, comme modèle : « Moi, j’ai 20 caméras par agent du centre de supervision urbain (CSU). Il y en a 104 par agent à Nice. S’il n’y a personne pour regarder les images, ils pourraient mettre des caméras factices, ça ne changerait pas grand-chose. » Un de ses proches collaborateurs abonde : « Les gens s’attendaient peut-être à ce qu’on réduise le parc de vidéosurveillance. Ça montre qu’on n’est pas dogmatiques et que l’on se soucie avant tout de la sécurité des Lyonnais. »
S’il conteste les choix annoncés par ses amis de l’exécutif municipal, Étienne Tête assure n’avoir pas grand-chose à redire de l’audit à proprement parler. « Je pense que son auteur a repiqué dans tous les documents que j’ai pu rédiger à l’époque, car j’aurais pu écrire à peu près la même chose. » Il note d’ailleurs que le rapport ne préconise pas l’augmentation du nombre de caméras, comme l’a annoncé Grégory Doucet. « En lisant cet audit, j’aurais trouvé logique que l’on ne remplace pas les caméras en fin de vie et que l’on réduise ainsi progressivement la dépense publique en la matière », confie l’ancien élu. C’est en effet le paradoxe de cet audit qui semble marquer un véritable aggiornamento des écologistes lyonnais en matière de vidéosurveillance, sans pour autant annoncer de grandes évolutions dans les choix qu’ils ont posés depuis trois ans.
En matière d’efficacité, l’audit constate ainsi que la recherche internationale « n’a pas permis de conclure sur l’efficacité de la vidéoprotection », et rappelle qu’en France, la Cour des comptes avait constaté en 2020 qu’« aucune corrélation globale n’a été relevée entre l’existence de dispositifs de vidéoprotection et le niveau de la délinquance commise sur la voie publique, ou encore les taux d’élucidation ». Seule réelle certitude, les lieux fermés comme les parkings et les transports en commun sont « plus propices » à leur usage. Or, ces derniers relèvent davantage de la Métropole et du Sytral, où Bruno Bernard n’a pas attendu l’audit pour les déployer massivement, puisque sa « stratégie territoriale de sécurité et de prévention de la délinquance » adoptée en mars 2021 s’appuie déjà sur un parc de 8.500 caméras et prévoit le déploiement de 1.600 autres dans l’ensemble des métros lyonnais. « Mais ça, c’est ce que j’ai aussi toujours dit : plus on est en milieu fermé, plus la caméra est efficace », ajoute Étienne Tête, pas choqué de ce déploiement. Devenu avocat et particulièrement attentif aux libertés publiques, il ne voit rien non plus à redire à l’équipement en cours des agents du Sytral (par Bruno Bernard) et de la police municipale (par Grégory Doucet) en caméras piétons : « Je n’ai pas réagi, dans la mesure où la caméra est apparente, qu’il ne peut pas vraiment y avoir d’atteinte à la vie privée et qu’à la limite, cela sert à la protection des agents autant qu’à celle des citoyens. » Il défend en revanche « un principe d’égalité : un citoyen interrogé par la police devrait pouvoir mettre en marche la caméra. Légalement, je ne vois pas ce qu’on pourrait lui dire, puisqu’on a le droit d’enregistrer une conversation qui vous est destinée, même si, dans les faits, on ne peut pas l’utiliser, ou uniquement pour se défendre. »
L’exemple de Piolle à Grenoble… avec effet retard ?
Toujours dubitatifs à l’égard de la vidéosurveillance, les écologistes de la Ville de Lyon ont donc fait le choix de la développer malgré tout. Une attitude peut-être dictée par un principe de réalité politique : une fois installées, les caméras peuvent être coûteuses politiquement à retirer. La décision d’en ajouter quelques-unes est une manière de couper l’herbe sous le pied de l’opposition et surtout du ministre de l’Intérieur.
Cette conversion en rappelle d’ailleurs une autre. Lors de son élection à la mairie de Grenoble en 2014, Éric Piolle voulait réorienter les moyens affectés à la vidéosurveillance à la « présence humaine dans les quartiers ». Il avait même lancé, en manière de boutade, qu’il était prêt à les revendre au maire de Nice, Christian Estrosi. Une fois élu, s’il s’est opposé à un déploiement généralisé, il a maintenu le parc existant et ajouté lui aussi quelques dizaines de caméras, comme il l’a expliqué récemment à L’Essor Isère : « À la Ville de Grenoble, nous n’avons pas de doctrine sur le sujet. On regarde là où ça marche et là où ça ne marche pas. Là où il y a un consensus politique pour dire que cela sert à quelque chose, c’est dans les transports en commun, les halls d’immeubles et les bâtiments publics. » Une position finalement assez proche de celle adoptée, avec un peu de retard, par Grégory Doucet.
Raphaël Ruffier-Fossoul
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