Ce quinquennat se termine par une crise sans précédent pour le secteur du handicap ! Educateurs spécialisés, moniteurs éducateurs, infirmiers, aidessoignants, orthophonistes... les professionnels sociaux et médico-sociaux voient leurs conditions de travail se dégrader dans l’indifférence générale, malgré l’alerte lancée par l’Unapei depuis plusieurs mois.
Pourtant engagés, passionnés, de nombreux professionnels démissionnent.
«Chaque changement de situation me fait perdre mes repères, c’est angoissant », une personne en situation de handicap. « Le foyer ferme, mon frère doit revenir à la maison toute la semaine et il est totalement désorienté », une parente. « Faute de temps, nous ne pouvons plus faire leur toilette correctement tous les jours, c’est de la maltraitance ! », une professionnelle. « C’est un ras-le-bol général, même pour des personnes dont c’est le métier et l’engagement depuis plusieurs années » un professionnel.
Ces pénuries de professionnels sociaux et médico-sociaux mettent en péril la qualité de l’accompagnement des personnes en situation de handicap intellectuel ou cognitif, et ce partout en France. Les proches, déjà à bout de souffle, isolés par des mois de crise sanitaire, sont appelés en renfort pour prendre le relais et accueillir les personnes en situation de handicap. Tous les voyants sont au rouge. De jour en jour, la situation s’aggrave. Les associations du réseau Unapei, par manque de professionnels, ne peuvent plus subvenir aux besoins quotidiens des personnes en situation de handicap.
Certaines associations sont obligées de réduire les activités auprès des personnes accompagnées, restreindre les soins au strict minimum, ou pire, ne plus accompagner certaines personnes qui sont alors prises en charge par leur famille. Les personnes en situation de handicap et leurs familles sont, elles aussi, à bout, fatiguées, isolées, oubliées. Encore une fois, elles se retrouvent victimes collatérales d’un système qui a atteint ses limites.
Décidées à ne pas être les témoins silencieux de cette situation maltraitante, les associations du réseau Unapei donnent la parole à tous ceux, professionnels et aidants, qui construisent chaque jour une société plus solidaire, plus juste et ouverte à tous et aux premières concernées, les personnes en situation de handicap. Les familles sont appelées à prendre en charge les personnes en situation de handicap pour pallier la pénurie ! « Pour la première fois en 50 ans, le foyer qui accueille mon frère m’a demandée d’héberger quelques jours mon frère, chez moi, pour soulager les équipes. J’ai accepté, bien sûr. Je constate, avec regret, les conditions de travail si difficiles pour les équipes. Moi, j’ai de la chance, je suis à la retraite, comment aurais-je fait si j’étais encore en activité ? Le plus compliqué, c’est pour mon frère : ce séjour va être problématique. Il a ses habitudes, ses repères, ses amis, ses éducateurs préférés au sein du foyer… Il est dérouté, il ne comprend pas pourquoi il doit venir chez moi. Cet éloignement ne va que renforcer un sentiment de tristesse et d’isolement que nous ressentons chez tous les résidents de son établissement depuis plusieurs mois. Depuis le Ségur de la santé, les inégalités de traitement entre les professionnels ont été accentuées et ont conduit à des tensions très vives dans les établissements. De nombreux professionnels du handicap ont quitté le secteur. Aujourd’hui, ses tensions se répercutent sur les familles » s’indigne Maryse, sœur et tutrice d’un adulte en situation de handicap intellectuel habitant en foyer de vie. « Mon fils connait un retard mental très important. Il faut le nourrir, le laver, le changer et le surveiller en permanence. Depuis que son établissement est contraint de fermer plusieurs jours par mois par manque de professionnels, il est de retour à la maison : nous n’avons plus un instant de répit. En tant que maman, je suis évidemment dévouée et je donne le maximum pour mon fils. Mais le quotidien est très difficile pour nous. Sans les professionnels, notre quotidien n’est plus viable. Cela impacte toute la famille, ce n’est pas une vie » déplore Chantal, maman d’un jeune homme de 19 ans, en situation de polyhandicap. Les personnes en situation de handicap : elles sont… délaissées, en régression dans leurs acquis « Quand les professionnels manquent, quand les établissements ferment ou que les activités sont supprimées, nous voyons bien que nos enfants en situation de handicap régressent dans leurs apprentissages et acquis. Et quand ce sont les toilettes qui ne sont plus faites tous les jours, que la vie est réduite au minimum vital – et encore - nous sommes tout simplement indignés. Ce n’est pas humain de traiter nos enfants de la sorte » s’insurge Marie-Laurence, mère d’une personne en situation de handicap intellectuel habitant en foyer de vie. « Moi je n’aime pas les départs, cela me rend triste. Je ne suis pas contente de voir de nouvelles têtes tous les jours. » raconte Fabienne, personne autiste habitant en foyer de vie. « Je suis toujours content de voir ma sœur mais je ne comprends pas pourquoi je vais devoir aller vivre chez elle pendant une semaine. Je suis bien chez moi, je m’entends bien avec tout le monde et j’ai mes habitudes. Ça va être difficile. » s’interroge Jean-Luc, personne en situation de handicap intellectuel travaillant en ESAT et habitant en foyer de d’hébergement.
Les professionnels du handicap : ils sont « à bout » psychologiquement et nerveusement « Travailler dans le secteur du handicap, c’est aller bosser la boule au ventre, avoir le sentiment qu’on a mal fait son boulot parce qu’on manque de moyens ! » assène Frédéric, éducateur spécialisé. « Dans l’association au sein de laquelle je travaille depuis vingt ans, la crise sanitaire met en lumière un malaise qui couvait depuis bien longtemps. Elle a déstabilisé un équilibre fragile. Avec des équipes toujours moins nombreuses, nous sommes en réorganisation permanente, nous nous adaptons à tout, à tous, tout le temps. Nous accumulons les tâches administratives chronophages, des protocoles énergivores et de nombreuses tâches silencieuses, en plus de nos missions principales, et ce, dans le même temps de travail et pour le même salaire. Même si nous avons envie de bien faire notre travail, nous sommes contraints de faire au mieux. C’est inconfortable, mais surtout, cela se fait toujours au détriment de la bienveillance et du bien-être des personnes accompagnées. Notre métier, c’est l’humain. La dimension pluridisciplinaire est essentielle, pour prendre en considération les personnes dans leur globalité, et considérer tous leurs attentes et besoins : nous travaillons en équipe, il n’est pas acceptable de laisser les inégalités de traitement s’installer. Quand on met toutes ces difficultés bout à bout, on arrive à une situation de tension extrêmement difficile, et je m’inquiète pour l’avenir de toute la profession si on ne trouve pas de solution pour lui redonner un peu d’attractivité » s’indigne Valérie, éducatrice spécialisée. « Pour les personnes accompagnées, le turn-over des professionnels n’est vraiment pas facile à vivre. J’aime mon métier, et cela me désole de ne pas pouvoir assurer un poste permanent, mais pour des raisons personnelles, j’ai fait le choix de l’interim, plus rémunérateur et moins contraignant en termes d’amplitude horaires » explique Sonia, aide-médico-psychologique intérimaire.
Après avoir lancé une pétition sur change.org en octobre 2021, déjà soutenue par plus de 80 000 signataires, l’Unapei, diffuse, en ce début d’année, une nouvelle campagne d’interpellation : #UrgenceHandicap.
L’Unapei souhaite rappeler par cette action que les personnes en situation de handicap et leurs proches ont droit à un accompagnement digne, de qualité, adapté aux besoins et aux attentes de chacun dans une société ouverte à tous, pensée pour eux et avec eux. 12 millions de personnes porteuses d’un handicap, 8 millions d’aidants familiaux, estce normal de les oublier ? Vous voulez soutenir les personnes en situation de handicap, leurs proches et les professionnels médico-sociaux ?
Signez la pétition en ligne : https://www.change.org/urgencehandicap
Gilles Roman aime ce message
- Auvergne Rhône-Alpes : ces professionnels du handicap oubliés du "Ségur de la Santé"'
- Les petits reporters témoignent sur la situation en Grèce
- Emploi dans les métiers du médico social : l'APAJH estime "être enfin entendue"
- Qui l'eut cru ? L'excès de Réseaux Sociaux favorise l'isolement
- A la Croix-Rousee, des médiateurs sociaux sur le bas des pentes
Permission de ce forum:
Vous ne pouvez pas répondre aux sujets dans ce forum