Membres du Conseil scientifique associés à cet avis : Jean-François Delfraissy, Président Laetitia Atlani Duault, Anthropologue Daniel Benamouzig, Sociologue Lila Bouadma, Réanimatrice Simon Cauchemez, Modélisateur Franck Chauvin, Médecin de santé publique Pierre Louis Druais, Médecine de Ville Arnaud Fontanet, Epidémiologiste Marie-Aleth Grard, Milieu associatif Aymeril Hoang, Spécialiste des nouvelles technologies Bruno Lina, Virologue Denis Malvy, Infectiologue Yazdan Yazdanpanah, Infectiologue
Cet avis a été transmis aux autorités nationales le 3 septembre 2020.
Comme les autres avis du Conseil scientifique, cet avis a vocation à être rendu public.
Par une saisine datée du 24 aout 2020, le gouvernement a demandé au Conseil scientifique un avis dédié portant sur la stratégie en matière d’isolement dans la lutte contre le COVID-19. Cet avis fait suite au dernier avis du Conseil scientifique, en date du 27 juillet 2020, où il indiquait parmi les éléments de préparation des protocoles du plan de précaution et prévention renforcé, des axes d’amélioration pour la stratégie nationale « Tester- Tracer- Isoler ». Ces derniers ciblaient les deux premiers dispositifs du triptyque, sur lesquels les efforts se sont concentrés jusqu’à présent.
STRATEGIE ET MODALITES D’ISOLEMENT PARTIE I -
RESUME L’isolement est un des trois piliers de la stratégie nationale de lutte contre le SARS-CoV-2 aux côtés du dépistage et du traçage des personnes-contact. Il permet, s’il est bien réalisé et accepté, de réduire le risque de contamination secondaire à partir d’un cas index. En France, et dans d’autres pays, il est de 14 jours. Constatant « que le non-respect des mesures d’isolement par une partie (…) possiblement importante des personnes atteintes par le virus ou contacts à risque, fragilise notre capacité à maîtriser les chaines de transmission», constatant également une stratégie d’isolement sans cahier des charges ni budget à l’échelle nationale, des recommandations assez peu relayées auprès du public, le manque de données précises sur les conditions et le suivi de l’isolement, le Conseil scientifique fait aujourd’hui des propositions sur cette question.
Destiné à réviser la stratégie française en matière d’isolement, l’Avis 9 du Conseil scientifique « Stratégie et modalités d’isolement » du 3 septembre 2020 s’inscrit à un moment où la situation épidémiologique évolue, passant d’une gestion aiguë de l’épidémie à une gestion à plus long terme, mais qui reste préoccupante, voire inquiétantes, dans certaines régions. La stratégie proposée, si elle était acceptée, devra être évaluée et rester flexible pour s’adapter à l’évolution de l’épidémie et à l’avancée des connaissances. Cette stratégie concerne la durée de l’isolement et son renforcement. Le Conseil scientifique appuie son analyse sur les données scientifiques actuelles. Il relève en particulier qu’avec les outils dont on dispose aujourd’hui, « la transmission du Sars-CoV-2 à partir des personnes infectées est maximale entre 2 jours avant l’apparition des signes clinique et 5 jours après, et n’a été documentée que très exceptionnellement au-delà du 8e jour d’infection ». De plus, « il n’y a pas de virus cultivable au-delà du 8e jour chez les patients confirmés présentant des formes ne nécessitant pas d’hospitalisation, même si de très faibles traces du virus restent détectables par RT-PCR au-delà du 8e jour ».
Il propose, sur cette base, un isolement de 7 jours :
A partir du jour du début des symptômes pour les cas confirmés, sans attendre les résultats du test ;
A partir du jour du prélèvement positif pour les cas asymptomatiques ;
A partir du jour du contact avec un cas confirmé pour les personnes-contact, suivi d’un test diagnostique réalisé au 7e jour d’isolement, isolement qui sera poursuivi si le résultat du test est positif.
Quelle stratégie pour renforcer l’isolement ?
Plusieurs scénarios sont envisageables pour renforcer l’isolement : situation actuelle inchangée mais avec des moyens de communication augmentés (voire axés sur l’injonction), ou encore obligation de suivi des mesures d’isolement accompagnée de mesures contraignantes. Le Conseil scientifique, qui ne les retient pas, recommande une double stratégie de droits et de devoirs, alliant la promotion du devoir de solidarité (par l’auto-isolement) à des mesures fortes de compensation.
Cette stratégie révise fondamentalement l’approche jusqu’alors suivie. Cette stratégie a pour piliers :
- La promotion de l’auto-isolement, même si cela entraine l’isolement des membres du foyer. Avec cette approche, qui propose une révision de la stratégie actuelle, la capacité, ou non, à démontrer l’existence d’une chambre individuelle par personne dans un foyer ne sera plus un critère majeur et l’usage des résidences dédiées COVID+ sera limité. Seules les personnes ne pouvant s’isoler dans leur foyer du fait de leurs conditions de vie pourront être accueillies en résidence COVID+. Cette stratégie d’auto-isolement doit être particulièrement bien expliquée à la population jeune.
- La mise en place par l’Etat de mesures de compensation, telles que :
Des prescriptions d’arrêts de travail permettant les procédures réglementaires et dont le motif conduira à l’annulation du délai de carence ;
Une prime de compensation de perte de revenus pour les professions indépendantes et pour ceux n’ayant pas de revenus réguliers permettant d’autres formes de compensation ;
Des certificats médicaux permettant aux mineurs dans le foyer de justifier de leur absence de l’établissement scolaire ;
Un service de prise en charge à domicile des besoins (nourriture, soins de santé, assistantes sociales etc.) si nécessaire. Etre responsable de son isolement présuppose une information précise sur le protocole à suivre par les autorités de santé et un important effort de communication. Pour être parfaitement comprises et acceptées, le Conseil scientifique insiste à nouveau sur la nécessité d’associer les citoyens au processus de décision, ce qui pourrait être mis en place au niveau des territoires.
Recommandations
1. Pour tous les cas de contamination ou de suspicion de contamination, la durée de l’isolement doit être égal à 7 jours pleins. Durant la semaine qui suit la levée de l’isolement, le risque résiduel peut être parfaitement maitrisé par le port rigoureux du masque chirurgical, et le suivi scrupuleux des mesures d’hygiène et de la distanciation physique.
2. Le Conseil scientifique recommande une stratégie d’auto-isolement alliant la promotion du devoir de solidarité à des mesures de compensations présentées comme des droits visant à en faciliter l’adhésion.
3. Des données recueillies de manière systématique et détaillée représentent un enjeu important pour mesurer le suivi du respect, ou non, de l’isolement. Pour ce faire, un système d’information adapté doit être mis en place au niveau territorial et national.
4. Il est nécessaire que les recommandations en matière d’isolement soient davantage relayées au grand public par les acteurs locaux de manière à ce que chaque français comprenne et puisse appliquer le protocole à suivre en cas de contamination ou de suspicion de contamination. Le Conseil scientifique insiste sur la nécessité d’associer des membres de la société civile au processus de décision en particulier au niveau des territoires. Le Conseil scientifique réitère cette demande.
Dans le cadre du triptyque « Tester – Tracer – Isoler », le non-respect des mesures d’isolement, par une partie encore à déterminer mais possiblement importante des personnes atteintes par le virus ou contacts à risque, fragilise notre capacité à maitriser les chaînes de transmission. L’isolement des cas est un des piliers de la lutte contre la dissémination du SARS-CoV-2 et permet, s’il est bien réalisé et accepté, de réduire le risque de contamination secondaire à partir d’un cas index. Pour cela, cette mesure nécessite d’être non seulement claire et simple, mais aussi adaptée aux risques, sans excès. De plus, la stratégie en matière d’isolement doit s’inscrire dans la dynamique générale de la lutte contre la pandémie sur le territoire national. En cette rentrée de septembre, la situation épidémiologique est celle d’une augmentation constante mais contrôlée des cas COVID-19. Ce moment particulier correspond à une évolution de la situation épidémiologique et en conséquence de la stratégie de lutte contre le virus SARS-CoV-2, avec le passage d’une gestion aiguë à court terme d’une crise à la gestion plus à long terme des risques.
Or aujourd’hui, plusieurs constats peuvent être faits :
1) Une enquête réalisée par la Direction Générale de la Santé auprès du réseau des ARS constate cependant une augmentation du refus de suivi sanitaire et du non-respect des mesures d’isolement et de quatorzaine par les cas et les personnes-contacts à risque. Parmi les raisons rapportées, plus particulièrement pour les personnes contacts, on note : la méconnaissance ou le refus du principe de l’isolement, en particulier chez les patients asymptomatiques, des pressions liées à l’emploi, le refus d’un dispositif contraignant, ou encore la crainte d’une ingérence des services de l’Etat dans la vie privée.
2) Les recommandations en matière d’isolement ont été peu relayées dans la communication grand public, qui s’est focalisée en priorité sur l’usage des masques et le dépistage.
3) La mise en œuvre de la stratégie d’isolement n’a bénéficié ni d’un cahier des charges précis ni de budgets dédiés à l’échelle nationale, ce qui a non seulement limité la possibilité d’une approche cohérente mais fait peser une lourde charge sur les territoires, tant en matière de choix stratégiques, de ressources humaines que de financements.
Les principaux acteurs institutionnels concernés (SPF, ARS, CNAM) confirment l’absence de données disponibles précises sur les conditions et le suivi de l’isolement des cas, permettant une évaluation des mesures d’isolement à l’échelle nationale. Dans ce cadre, cet avis vise à réviser la stratégie française en matière d’isolement et porte sur deux questions clés :
1. Quelle durée pour l’isolement ?
2. Comment renforcer l’isolement des cas ? Les modalités déclinées dans cet avis s’appliquent à différents types de personnes en fonction de leur statut vis-à-vis de la maladie, de leur état clinique mais aussi de leur état biologique. Les personnes concernées par l’isolement peuvent être :
- Une personne symptomatique en attente d’un rendez-vous pour un test RT-PCR
- Le patient symptomatique en attente du résultat d’un test RT-PCR
- Le cas COVID-19 symptomatique ou asymptomatique, après rendu de résultat positif de la RT-PCR (entre 30 000 et 50 000 cas par semaine actuellement)
- La personne-contact, quel que soit son état clinique, et ce, jusqu’au rendu d’un résultat négatif du test RT-PCR. Il est bien sûr entendu que dans les mois qui viennent, la stratégie en matière d’isolement devra rester très flexible et s’adapter rapidement à l’évolution de l’épidémie et des dernières avancées de la recherche et en particulier sur les nouveaux tests virologiques. L’impact des différentes mesures de contrôle considérées devra être évalué afin de pouvoir progressivement optimiser la stratégie en matière d’isolement.
Données préliminaires
A) Cas symptomatiques ou confirmés
Les données de la littérature et l’expérience internationale montrent de manière non ambiguë que l’excrétion virale infectieuse (donc potentiellement contagieuse) n’est observée qu’à partir des sécrétions venant des voies aériennes supérieures et inférieures. Il apparait que l’excrétion d’ARN viral détectée dans les selles de certains patients n’est pas associée à un risque de transmission, il n’y a pas de virus infectieux dans les fèces et aucun cas de transmission à partir de matériel fécal n’a été observé. D’une manière générale, l’excrétion virale est mesurée par RT-PCR sur des prélèvements naso-pharyngés. Cette technique est considérée comme la technique de référence, ayant la meilleure sensibilité et spécificité. A ce jour, toutes les autres techniques de détection proposées (prélèvements oro-pharyngés, prélèvements nasaux profonds, prélèvements salivaires) présentent une sensibilité inférieure au prélèvement naso-pharyngé. De même, les autres systèmes de détection (amplification LAMP, détection antigénique) présentent une sensibilité inférieure à celle de la RT-PCR et sont en cours d’évaluation. La détection d’ARN viral n’a pas la même signification que la détection d’un virus infectieux. En effet, au fil de l’infection, cette détection peut refléter la présence de virus dégradés non infectieux ou d’ARN viral intracellulaire tronqué, dont la persistance n’est pas associée avec la persistance d’un risque de transmission. La détection d’ARN viral non infectieux peut être observée au-delà du 30e jour, mais la transmission n’a été documentée que très exceptionnellement au-delà du 8e jour d’infection de cas identifiés, sauf situation particulière (infection d’un patient présentant une immunodépression). Le risque de transmission semble très corrélé à la proximité du début des symptômes, étant aussi possible en présymptomatique (phase d’incubation) et aussi chez des patients asymptomatiques. L’estimation du risque de transmission d’un virus infectieux à partir d’un cas est déterminée actuellement par une approche de substitution qui est la détection d’un virus cultivable dans l’échantillon biologique considéré. Les résultats de cette mise en culture sont cohérents avec ceux observés ; hormis dans de rares exceptions, il n’y a pas de virus cultivable au-delà du 8e jour chez les patients confirmés présentant des formes cliniques simples ne nécessitant pas d’hospitalisation.
II - LA DUREE DE L’ISOLEMENT DES CAS : LOGIQUE D’UN ISOLEMENT LIMITE A 1 SEMAINE PLEINE
B) Personnes-contact Dans ce domaine aussi, la littérature fournit des informations robustes et surtout reproductives sur les délais d’incubation. Cela permet de définir des durées d’isolement optimisées, et de déterminer le moment le mieux adapté pour réaliser le test permettant de confirmer l’infection ou de lever l’isolement. Des propositions de stratégie d’échantillonnage des personnes-contact ont été proposées par plusieurs structures. Ainsi, il est établi que le délai d’apparition des symptômes après comptage infectieux est de 2 à 12 jours. Par ailleurs, la médiane d’apparition des symptômes après le comptage est assez courte, entre 5 et 7 jours, et peu de cas se déclarent au-delà du 10ème jour. Enfin, il est aussi établi que l’excrétion virale pré-symptomatique est détectable en moyenne 3 jours avant l’apparition des symptômes. Ces informations sont basées sur des tests de détection sensibles (RT-PCR sur prélèvement naso-pharyngé).
2. Proposition de durée d’isolement des cas confirmés non hospitalisés et non immunodéprimés
Sur cette notion de risque limité à une semaine pleine (soit 7 jours entiers) après le début des symptômes cliniques, il apparait légitime de réduire la durée actuelle de l’isolement proposé. Le confinement d’un cas confirmé doit être d’une semaine pleine à partir du début des symptômes. Au-delà de cette durée d’isolement, le risque de transmission est très faible, et le risque résiduel peut être parfaitement maitrisé par le port rigoureux du masque chirurgical, et le suivi scrupuleux des mesures d’hygiène (lavage régulier des mains) et de la distanciation physique pendant la semaine qui suit la levée de l’isolement. Par ailleurs, en cas de détection positive chez un cas asymptomatique, l’isolement d’une semaine pleine devra être débuté en prenant comme premier jour celui de la date du prélèvement positif. Si des symptômes apparaissent au cours de cette période, cela signifie que le patient a été dépisté dans la phase pré-symptomatique et qu’il faudra donc allonger cette période d’isolement afin qu’elle dure 1 semaine pleine à compter du premier jour d’apparition des signes cliniques. La levée de l’isolement devra aussi prendre en compte l’absence de fièvre au 7e jour. Si le cas reste fébrile, l’isolement devra être maintenu pendant 48h après disparition de cette fièvre. Par ailleurs, le patient devra se rapprocher de son médecin traitant pour l’investigation de cette persistance de la fièvre (infection compliquée, évolution vers une forme nécessitant une hospitalisation). Cette proposition ne concerne pas les patients hospitalisés pour lesquels le médecin hospitalier définira la prise en charge et le suivi, ni les cas immunodéprimés pour lesquels l’excrétion de virus infectieux peut être prolongée.
3. Proposition de durée d’isolement des personnes-contact
Les données sur les périodes d’incubation moyennes et les durées d’excrétion virale présymptomatique permettent de proposer un schéma de prise en charge simplifié et plus court pour les personnes-contact en isolement. En cas de contact avéré, le personne-contact doit être placé en isolement.
Si au cours des 7 premiers jours de l’isolement la personne devient patient symptomatique, le patient est immédiatement testé par RT-PCR sur prélèvement naso-pharyngé.
En cas d’absence de signes cliniques au 7e jour de son isolement (qui correspond à la borne supérieure de la moyenne d’apparition des symptômes), il lui sera proposé un dépistage par RT-PCR sur prélèvement naso-pharyngé (test le plus sensible). Cet écouvillon réalisé au 7e jour permet de détecter aussi les cas pré-symptomatique susceptibles de débuter les symptômes dans les 3 jours qui suivent. Cela correspond à une surveillance précise jusqu’à J10, date au-delà de laquelle le risque de voir des cas symptomatiques se déclarer est très faible. Cette évaluation au 7e jour permet aussi d’avoir une cohérence de durée avec la mesure appliquée pour l’isolement des cas confirmés (logique de la semaine). Pour toutes ces situations, le Conseil scientifique recommande un isolement de 7 jours. Cet isolement s’applique :
- 7 jours après le début des symptômes pour les cas confirmés, sans attendre les résultats du test
- 7 jours après un prélèvement positif pour les cas asymptomatiques
- 7 jours après un contact avec un cas confirmé pour les personne-contacts suivi d’un test diagnostique réalisé au 7ème jour d’isolement, isolement qui sera poursuivi si le résultat du test est positif
Plusieurs scénarios sont envisageables pour tenter de renforcer l’isolement des cas et des personnes-contact :
I. Scénario 1 : Poursuite de la stratégie actuelle, avec plus de moyens accordés à la communication ;
II. Scénario 2 : Poursuite de la stratégie actuelle, avec de plus une communication axée sur l’injonction ; Comme noté plus haut, la stratégie actuelle semble devoir être affinée. De plus, malgré le peu de données disponibles actuellement (des enquêtes sont en cours et leurs résultats devraient pouvoir être disponibles prochainement), tant les résultats de l’enquête réalisée par la DGS auprès des ARS et que les remontées d’informations venant des professionnels de terrain mettent en garde contre une communication axée sur l’injonction, qui risque de renforcer la suspicion sans pour autant emporter l’adhésion. Le dépistage, traçage, isolement étant étroitement liés cela peut même diminuer la proportion de personnes qui se dépistent pour éviter un éventuel isolement.
III. Scénario 3 : Une stratégie d’obligation des mesures d’isolement des cas, avec la mise en place de mesures contraignantes demandant des révisions législatives et réglementaires, doublée d’une communication axée sur l’injonction Le caractère obligatoire de l’isolement des cas et des personnes-contact, s’il peut éventuellement se justifier en période de crise aiguë (à même de se présenter à nouveau, en particulier dans certaines régions) doit, dans la période actuelle de gestion d’un risque qui s’étale sur la durée, être bien pesé en matière d’efficacité. Dépistage/diagnostic précoce, traçage, et isolement sont étroitement liés et font partie d’une seule entité. Le Conseil scientifique ne recommande pas ce scénario aujourd’hui car, alors que le diagnostic précoce est essentiel, le risque est important en cas d’obligation d’isolement de réduire l’adhésion au dépistage et au diagnostic précoce qui a été construite avec un relatif succès ces derniers semaines et mois, en particulier auprès des jeunes. Si l’isolement devient obligatoire et qu’une série de mesures contraignantes encadrent cette obligation, le risque d’évitement du dépistage, du diagnostic précoce et de refus est majeur, le partage des informations sur les personnes-contact de la part des cas est en effet important. Ce scénario pourrait néanmoins être appliqué en cas de reprise aiguë de l’épidémie et/ou d’échec de la stratégie d’auto-isolement.
III – RENFORCER L’ISOLEMENT DES CAS
IV. Scénario 4 : Une stratégie d’auto-isolement faite de droits et de devoirs, couplant des mesures de compensation et une stratégie de communication adaptée En l’état actuel de l’évolution de l’épidémie et des connaissances, ce scénario est recommandé par le Conseil scientifique.
Il est recommandé de revoir la stratégie d’isolement des cas, par une double approche :
1) La promotion de l’auto-isolement à domicile sans mesure contraignante Etant donné l’importance de l’isolement des cas (et par extension des personnes-contact) dans la lutte contre la pandémie, d’une part, et l’échec relatif de la mise en place des résidences COVID+ dédiées ainsi que les difficultés multiples nécessaires pour en améliorer les conditions (en matière de RH, financement, configuration des locaux versus, conditions de sécurité, protection des mineurs, etc.) d’autre part, le Conseil scientifique recommande que la priorité soit donnée à l’isolement à domicile, même si cela entraine l’isolement de l’ensemble des membres du foyer. Ainsi la capacité, ou non, à démontrer l’existence d’une chambre individuelle par personne dans un foyer ne sera plus un critère majeur. Seules les personnes ne pouvant s’isoler dans leur foyer du fait de leurs conditions de vie pourront être accueillies en résidence COVID+ dédiées pour la durée de leur isolement.
2) La mise en place d’une véritable stratégie de droits et de devoirs, alliant la promotion du devoir de solidarité (par l’auto-isolement) à une palette de mesures d’incitation et de compensation présentées comme des droits et visant à en faciliter l’adhésion. Des mesures d’incitation et de compensation accompagneront le choix de l’auto-isolement à domicile et marqueront les droits des personnes qui, par devoir de solidarité, décideront de l’auto-isolement. Les modalités de contrôle et de suivi – qui devront être rapides et opérationnelles – seront définies par les agences de l’Etat, et pourront être déclinées de façon différentielle par les autorités territoriales. Le rôle des médecins généralistes ou d’autres acteurs de santé de proximité devra être mieux défini, et la mise en œuvre de ces mesures devront impliquer les employeurs ainsi que les collectivités concernées (écoles, activités périscolaires…) afin de favoriser l’isolement chaque fois que nécessaire, et éviter ce qui rendrait l’isolement difficile, notamment dans un contexte de travail. Les enjeux personnels et collectifs devront être expliqués aux cas confirmés et à leur entourage.
Le Conseil scientifique recommande que puissent être mises en œuvre les mesures d’incitation et de compensation suivantes, le temps de l’isolement :
Des prescriptions d’arrêts de travail permettant les procédures réglementaires ;
La mention du motif de l’arrêt de travail doit conduire à l’annulation du délai de carence. Cette mesure demandera une décision réglementaire. Il est à noter que l’isolement n’empêche pas, quand l’activité le permet, de télé-travailler en l’absence de symptômes ;
Une prime de compensation de perte de revenus pour les professions indépendantes et pour ceux ne pouvant prouver de revenus réguliers permettant d’autres formes de compensation ;
Des certificats médicaux permettant aux mineurs dans le foyer de justifier de leur absence de l’établissement scolaire le temps de l’isolement du foyer ;
Des prescriptions permettant un service de prise en charge à domicile des besoins (nourriture, soins de santé, assistantes sociales etc.) si nécessaire par les services spécialisés. Afin de favoriser ce suivi dans la durée, il importe que les données de suivi soient recueillies et analysées de manière systématique et détaillée, notamment à l’échelle territoriale, ce qui nécessite le renforcement du système d’information qui est actuellement insuffisant à ce sujet.
Une communication adaptée accompagnera cette stratégie de promotion de l’autoisolement faite de droits et de devoirs. Le Conseil scientifique considère nécessaire une communication adaptée et spécifique à l’isolement de chacun en cas d’apparition de symptômes, d’attente de réponse d’un test ou de test qui s’est avéré positif. Chaque français doit être en mesure de savoir quel protocole suivre en fonction de son statut vis-à-vis de l’infection, de son état clinique ou biologique notamment, la durée de son isolement, mais aussi le protocole à suivre pour les membres de son foyer. Le Conseil scientifique a par ailleurs déjà soulevé précédemment que la communication concernant l’isolement était plus faible que celles relatives au masque ou au dépistage, ce qui in fine affaiblit l’ensemble de la stratégie de lutte contre l’épidémie. Le Conseil scientifique insiste une nouvelle fois encore sur l’enjeu majeur que représente l’adhésion des citoyens à ce type de mesure. Cela est d’autant plus nécessaire dans le cadre de l’auto-isolement, dont le respect repose sur les responsabilités individuelles de chacun. L’adhésion aux mesures d’isolement conditionnent le respect de ces mesures et leur efficacité sanitaire. Le Conseil scientifique soutient de longue date la nécessité d’associer des membres de la société civile au processus de décision. Il a recommandé à plusieurs reprises la constitution d’un comité de liaison citoyenne, en tant qu’espace de discussion et de propositions. Ce comité n’a pas été mis en place au niveau national. Des conseils rassemblant la société civile pourraient être mis en place au niveau des territoires, afin de discuter par exemple de la mise en place concrète de ce type de mesure.
IV - INFORMATION ET ROLE DE LA SOCIETE CIVILE
En l’état actuel de l’épidémie, chaque citoyen doit être responsable de son isolement en cas de suspicion de COVID-19 ou lorsque la positivité est avérée, ce qui présuppose une information précise sur le protocole à suivre de la part des autorités sanitaires.
L’isolement est un outil largement utilisé dans l’ensemble des pays européens en tant que composante de la stratégie globale de lutte contre la pandémie COVID-19. Cet outil a été cependant décliné de différentes manières en fonction des pays européens. Chez la plupart de nos pays voisins, à savoir l’Allemagne, l’Espagne, l’Italie, le Royaume-Uni, l’Autriche ou encore le Danemark la durée d’isolement est supérieure ou égale à 10 jours avec des modalités différentes en fonction du profil de la personne isolée (symptomatique/asymptomatique, contact à risque élevé, test positif/en attente de test…). Seule la Suède recommande un isolement basé sur une durée de 7 jours après l’apparition des symptômes. Dans la conception des stratégies d’isolement, l’ensemble des pays européens précités ont retenu que les personnes testées positives ainsi que les personnes symptomatiques devaient s’isoler. Différents choix ont été pris concernant les personnes-contact de cas confirmés, les personnes partageant le foyer d’une personne isolée, les personnes asymptomatiques en attente d’un résultat de test, ou encore les voyageurs.
La doctrine concernant le régime de la mesure d’isolement est cependant variable :
L’isolement est une obligation légale, qui peut prendre la forme d’une décision administrative individuelle notifiée, dont le manquement est passible de sanctions. C’est le cas en Allemagne, en Autriche et au Royaume-Uni.
L’isolement est fortement recommandé. C’est le cas notamment pour l’Espagne, l’Italie, le Danemark ou encore la Suède. Finalement, concernant la question du suivi des personnes isolées, cette question semble être celle qui pose le plus de difficulté à l’étranger. Certains systèmes reposent sur le rôle du médecin de proximité comme en Suède et en Autriche, ou bien sur les agents des départements de santé publique locaux comme en Allemagne ou en Italie. L’examen comparatif des modalités d’isolement dans les pays européens met en évidence la difficulté commune d’établir un protocole clair de suivi des personnes isolées au niveau national, et ce, quel que soit le caractère obligatoire ou non de l’isolement de la personne.
Cet avis a été transmis aux autorités nationales le 3 septembre 2020.
Comme les autres avis du Conseil scientifique, cet avis a vocation à être rendu public.
Par une saisine datée du 24 aout 2020, le gouvernement a demandé au Conseil scientifique un avis dédié portant sur la stratégie en matière d’isolement dans la lutte contre le COVID-19. Cet avis fait suite au dernier avis du Conseil scientifique, en date du 27 juillet 2020, où il indiquait parmi les éléments de préparation des protocoles du plan de précaution et prévention renforcé, des axes d’amélioration pour la stratégie nationale « Tester- Tracer- Isoler ». Ces derniers ciblaient les deux premiers dispositifs du triptyque, sur lesquels les efforts se sont concentrés jusqu’à présent.
STRATEGIE ET MODALITES D’ISOLEMENT PARTIE I -
RESUME L’isolement est un des trois piliers de la stratégie nationale de lutte contre le SARS-CoV-2 aux côtés du dépistage et du traçage des personnes-contact. Il permet, s’il est bien réalisé et accepté, de réduire le risque de contamination secondaire à partir d’un cas index. En France, et dans d’autres pays, il est de 14 jours. Constatant « que le non-respect des mesures d’isolement par une partie (…) possiblement importante des personnes atteintes par le virus ou contacts à risque, fragilise notre capacité à maîtriser les chaines de transmission», constatant également une stratégie d’isolement sans cahier des charges ni budget à l’échelle nationale, des recommandations assez peu relayées auprès du public, le manque de données précises sur les conditions et le suivi de l’isolement, le Conseil scientifique fait aujourd’hui des propositions sur cette question.
Destiné à réviser la stratégie française en matière d’isolement, l’Avis 9 du Conseil scientifique « Stratégie et modalités d’isolement » du 3 septembre 2020 s’inscrit à un moment où la situation épidémiologique évolue, passant d’une gestion aiguë de l’épidémie à une gestion à plus long terme, mais qui reste préoccupante, voire inquiétantes, dans certaines régions. La stratégie proposée, si elle était acceptée, devra être évaluée et rester flexible pour s’adapter à l’évolution de l’épidémie et à l’avancée des connaissances. Cette stratégie concerne la durée de l’isolement et son renforcement. Le Conseil scientifique appuie son analyse sur les données scientifiques actuelles. Il relève en particulier qu’avec les outils dont on dispose aujourd’hui, « la transmission du Sars-CoV-2 à partir des personnes infectées est maximale entre 2 jours avant l’apparition des signes clinique et 5 jours après, et n’a été documentée que très exceptionnellement au-delà du 8e jour d’infection ». De plus, « il n’y a pas de virus cultivable au-delà du 8e jour chez les patients confirmés présentant des formes ne nécessitant pas d’hospitalisation, même si de très faibles traces du virus restent détectables par RT-PCR au-delà du 8e jour ».
Il propose, sur cette base, un isolement de 7 jours :
A partir du jour du début des symptômes pour les cas confirmés, sans attendre les résultats du test ;
A partir du jour du prélèvement positif pour les cas asymptomatiques ;
A partir du jour du contact avec un cas confirmé pour les personnes-contact, suivi d’un test diagnostique réalisé au 7e jour d’isolement, isolement qui sera poursuivi si le résultat du test est positif.
Quelle stratégie pour renforcer l’isolement ?
Plusieurs scénarios sont envisageables pour renforcer l’isolement : situation actuelle inchangée mais avec des moyens de communication augmentés (voire axés sur l’injonction), ou encore obligation de suivi des mesures d’isolement accompagnée de mesures contraignantes. Le Conseil scientifique, qui ne les retient pas, recommande une double stratégie de droits et de devoirs, alliant la promotion du devoir de solidarité (par l’auto-isolement) à des mesures fortes de compensation.
Cette stratégie révise fondamentalement l’approche jusqu’alors suivie. Cette stratégie a pour piliers :
- La promotion de l’auto-isolement, même si cela entraine l’isolement des membres du foyer. Avec cette approche, qui propose une révision de la stratégie actuelle, la capacité, ou non, à démontrer l’existence d’une chambre individuelle par personne dans un foyer ne sera plus un critère majeur et l’usage des résidences dédiées COVID+ sera limité. Seules les personnes ne pouvant s’isoler dans leur foyer du fait de leurs conditions de vie pourront être accueillies en résidence COVID+. Cette stratégie d’auto-isolement doit être particulièrement bien expliquée à la population jeune.
- La mise en place par l’Etat de mesures de compensation, telles que :
Des prescriptions d’arrêts de travail permettant les procédures réglementaires et dont le motif conduira à l’annulation du délai de carence ;
Une prime de compensation de perte de revenus pour les professions indépendantes et pour ceux n’ayant pas de revenus réguliers permettant d’autres formes de compensation ;
Des certificats médicaux permettant aux mineurs dans le foyer de justifier de leur absence de l’établissement scolaire ;
Un service de prise en charge à domicile des besoins (nourriture, soins de santé, assistantes sociales etc.) si nécessaire. Etre responsable de son isolement présuppose une information précise sur le protocole à suivre par les autorités de santé et un important effort de communication. Pour être parfaitement comprises et acceptées, le Conseil scientifique insiste à nouveau sur la nécessité d’associer les citoyens au processus de décision, ce qui pourrait être mis en place au niveau des territoires.
Recommandations
1. Pour tous les cas de contamination ou de suspicion de contamination, la durée de l’isolement doit être égal à 7 jours pleins. Durant la semaine qui suit la levée de l’isolement, le risque résiduel peut être parfaitement maitrisé par le port rigoureux du masque chirurgical, et le suivi scrupuleux des mesures d’hygiène et de la distanciation physique.
2. Le Conseil scientifique recommande une stratégie d’auto-isolement alliant la promotion du devoir de solidarité à des mesures de compensations présentées comme des droits visant à en faciliter l’adhésion.
3. Des données recueillies de manière systématique et détaillée représentent un enjeu important pour mesurer le suivi du respect, ou non, de l’isolement. Pour ce faire, un système d’information adapté doit être mis en place au niveau territorial et national.
4. Il est nécessaire que les recommandations en matière d’isolement soient davantage relayées au grand public par les acteurs locaux de manière à ce que chaque français comprenne et puisse appliquer le protocole à suivre en cas de contamination ou de suspicion de contamination. Le Conseil scientifique insiste sur la nécessité d’associer des membres de la société civile au processus de décision en particulier au niveau des territoires. Le Conseil scientifique réitère cette demande.
Dans le cadre du triptyque « Tester – Tracer – Isoler », le non-respect des mesures d’isolement, par une partie encore à déterminer mais possiblement importante des personnes atteintes par le virus ou contacts à risque, fragilise notre capacité à maitriser les chaînes de transmission. L’isolement des cas est un des piliers de la lutte contre la dissémination du SARS-CoV-2 et permet, s’il est bien réalisé et accepté, de réduire le risque de contamination secondaire à partir d’un cas index. Pour cela, cette mesure nécessite d’être non seulement claire et simple, mais aussi adaptée aux risques, sans excès. De plus, la stratégie en matière d’isolement doit s’inscrire dans la dynamique générale de la lutte contre la pandémie sur le territoire national. En cette rentrée de septembre, la situation épidémiologique est celle d’une augmentation constante mais contrôlée des cas COVID-19. Ce moment particulier correspond à une évolution de la situation épidémiologique et en conséquence de la stratégie de lutte contre le virus SARS-CoV-2, avec le passage d’une gestion aiguë à court terme d’une crise à la gestion plus à long terme des risques.
Or aujourd’hui, plusieurs constats peuvent être faits :
1) Une enquête réalisée par la Direction Générale de la Santé auprès du réseau des ARS constate cependant une augmentation du refus de suivi sanitaire et du non-respect des mesures d’isolement et de quatorzaine par les cas et les personnes-contacts à risque. Parmi les raisons rapportées, plus particulièrement pour les personnes contacts, on note : la méconnaissance ou le refus du principe de l’isolement, en particulier chez les patients asymptomatiques, des pressions liées à l’emploi, le refus d’un dispositif contraignant, ou encore la crainte d’une ingérence des services de l’Etat dans la vie privée.
2) Les recommandations en matière d’isolement ont été peu relayées dans la communication grand public, qui s’est focalisée en priorité sur l’usage des masques et le dépistage.
3) La mise en œuvre de la stratégie d’isolement n’a bénéficié ni d’un cahier des charges précis ni de budgets dédiés à l’échelle nationale, ce qui a non seulement limité la possibilité d’une approche cohérente mais fait peser une lourde charge sur les territoires, tant en matière de choix stratégiques, de ressources humaines que de financements.
Les principaux acteurs institutionnels concernés (SPF, ARS, CNAM) confirment l’absence de données disponibles précises sur les conditions et le suivi de l’isolement des cas, permettant une évaluation des mesures d’isolement à l’échelle nationale. Dans ce cadre, cet avis vise à réviser la stratégie française en matière d’isolement et porte sur deux questions clés :
1. Quelle durée pour l’isolement ?
2. Comment renforcer l’isolement des cas ? Les modalités déclinées dans cet avis s’appliquent à différents types de personnes en fonction de leur statut vis-à-vis de la maladie, de leur état clinique mais aussi de leur état biologique. Les personnes concernées par l’isolement peuvent être :
- Une personne symptomatique en attente d’un rendez-vous pour un test RT-PCR
- Le patient symptomatique en attente du résultat d’un test RT-PCR
- Le cas COVID-19 symptomatique ou asymptomatique, après rendu de résultat positif de la RT-PCR (entre 30 000 et 50 000 cas par semaine actuellement)
- La personne-contact, quel que soit son état clinique, et ce, jusqu’au rendu d’un résultat négatif du test RT-PCR. Il est bien sûr entendu que dans les mois qui viennent, la stratégie en matière d’isolement devra rester très flexible et s’adapter rapidement à l’évolution de l’épidémie et des dernières avancées de la recherche et en particulier sur les nouveaux tests virologiques. L’impact des différentes mesures de contrôle considérées devra être évalué afin de pouvoir progressivement optimiser la stratégie en matière d’isolement.
Données préliminaires
A) Cas symptomatiques ou confirmés
Les données de la littérature et l’expérience internationale montrent de manière non ambiguë que l’excrétion virale infectieuse (donc potentiellement contagieuse) n’est observée qu’à partir des sécrétions venant des voies aériennes supérieures et inférieures. Il apparait que l’excrétion d’ARN viral détectée dans les selles de certains patients n’est pas associée à un risque de transmission, il n’y a pas de virus infectieux dans les fèces et aucun cas de transmission à partir de matériel fécal n’a été observé. D’une manière générale, l’excrétion virale est mesurée par RT-PCR sur des prélèvements naso-pharyngés. Cette technique est considérée comme la technique de référence, ayant la meilleure sensibilité et spécificité. A ce jour, toutes les autres techniques de détection proposées (prélèvements oro-pharyngés, prélèvements nasaux profonds, prélèvements salivaires) présentent une sensibilité inférieure au prélèvement naso-pharyngé. De même, les autres systèmes de détection (amplification LAMP, détection antigénique) présentent une sensibilité inférieure à celle de la RT-PCR et sont en cours d’évaluation. La détection d’ARN viral n’a pas la même signification que la détection d’un virus infectieux. En effet, au fil de l’infection, cette détection peut refléter la présence de virus dégradés non infectieux ou d’ARN viral intracellulaire tronqué, dont la persistance n’est pas associée avec la persistance d’un risque de transmission. La détection d’ARN viral non infectieux peut être observée au-delà du 30e jour, mais la transmission n’a été documentée que très exceptionnellement au-delà du 8e jour d’infection de cas identifiés, sauf situation particulière (infection d’un patient présentant une immunodépression). Le risque de transmission semble très corrélé à la proximité du début des symptômes, étant aussi possible en présymptomatique (phase d’incubation) et aussi chez des patients asymptomatiques. L’estimation du risque de transmission d’un virus infectieux à partir d’un cas est déterminée actuellement par une approche de substitution qui est la détection d’un virus cultivable dans l’échantillon biologique considéré. Les résultats de cette mise en culture sont cohérents avec ceux observés ; hormis dans de rares exceptions, il n’y a pas de virus cultivable au-delà du 8e jour chez les patients confirmés présentant des formes cliniques simples ne nécessitant pas d’hospitalisation.
II - LA DUREE DE L’ISOLEMENT DES CAS : LOGIQUE D’UN ISOLEMENT LIMITE A 1 SEMAINE PLEINE
B) Personnes-contact Dans ce domaine aussi, la littérature fournit des informations robustes et surtout reproductives sur les délais d’incubation. Cela permet de définir des durées d’isolement optimisées, et de déterminer le moment le mieux adapté pour réaliser le test permettant de confirmer l’infection ou de lever l’isolement. Des propositions de stratégie d’échantillonnage des personnes-contact ont été proposées par plusieurs structures. Ainsi, il est établi que le délai d’apparition des symptômes après comptage infectieux est de 2 à 12 jours. Par ailleurs, la médiane d’apparition des symptômes après le comptage est assez courte, entre 5 et 7 jours, et peu de cas se déclarent au-delà du 10ème jour. Enfin, il est aussi établi que l’excrétion virale pré-symptomatique est détectable en moyenne 3 jours avant l’apparition des symptômes. Ces informations sont basées sur des tests de détection sensibles (RT-PCR sur prélèvement naso-pharyngé).
2. Proposition de durée d’isolement des cas confirmés non hospitalisés et non immunodéprimés
Sur cette notion de risque limité à une semaine pleine (soit 7 jours entiers) après le début des symptômes cliniques, il apparait légitime de réduire la durée actuelle de l’isolement proposé. Le confinement d’un cas confirmé doit être d’une semaine pleine à partir du début des symptômes. Au-delà de cette durée d’isolement, le risque de transmission est très faible, et le risque résiduel peut être parfaitement maitrisé par le port rigoureux du masque chirurgical, et le suivi scrupuleux des mesures d’hygiène (lavage régulier des mains) et de la distanciation physique pendant la semaine qui suit la levée de l’isolement. Par ailleurs, en cas de détection positive chez un cas asymptomatique, l’isolement d’une semaine pleine devra être débuté en prenant comme premier jour celui de la date du prélèvement positif. Si des symptômes apparaissent au cours de cette période, cela signifie que le patient a été dépisté dans la phase pré-symptomatique et qu’il faudra donc allonger cette période d’isolement afin qu’elle dure 1 semaine pleine à compter du premier jour d’apparition des signes cliniques. La levée de l’isolement devra aussi prendre en compte l’absence de fièvre au 7e jour. Si le cas reste fébrile, l’isolement devra être maintenu pendant 48h après disparition de cette fièvre. Par ailleurs, le patient devra se rapprocher de son médecin traitant pour l’investigation de cette persistance de la fièvre (infection compliquée, évolution vers une forme nécessitant une hospitalisation). Cette proposition ne concerne pas les patients hospitalisés pour lesquels le médecin hospitalier définira la prise en charge et le suivi, ni les cas immunodéprimés pour lesquels l’excrétion de virus infectieux peut être prolongée.
3. Proposition de durée d’isolement des personnes-contact
Les données sur les périodes d’incubation moyennes et les durées d’excrétion virale présymptomatique permettent de proposer un schéma de prise en charge simplifié et plus court pour les personnes-contact en isolement. En cas de contact avéré, le personne-contact doit être placé en isolement.
Si au cours des 7 premiers jours de l’isolement la personne devient patient symptomatique, le patient est immédiatement testé par RT-PCR sur prélèvement naso-pharyngé.
En cas d’absence de signes cliniques au 7e jour de son isolement (qui correspond à la borne supérieure de la moyenne d’apparition des symptômes), il lui sera proposé un dépistage par RT-PCR sur prélèvement naso-pharyngé (test le plus sensible). Cet écouvillon réalisé au 7e jour permet de détecter aussi les cas pré-symptomatique susceptibles de débuter les symptômes dans les 3 jours qui suivent. Cela correspond à une surveillance précise jusqu’à J10, date au-delà de laquelle le risque de voir des cas symptomatiques se déclarer est très faible. Cette évaluation au 7e jour permet aussi d’avoir une cohérence de durée avec la mesure appliquée pour l’isolement des cas confirmés (logique de la semaine). Pour toutes ces situations, le Conseil scientifique recommande un isolement de 7 jours. Cet isolement s’applique :
- 7 jours après le début des symptômes pour les cas confirmés, sans attendre les résultats du test
- 7 jours après un prélèvement positif pour les cas asymptomatiques
- 7 jours après un contact avec un cas confirmé pour les personne-contacts suivi d’un test diagnostique réalisé au 7ème jour d’isolement, isolement qui sera poursuivi si le résultat du test est positif
Plusieurs scénarios sont envisageables pour tenter de renforcer l’isolement des cas et des personnes-contact :
I. Scénario 1 : Poursuite de la stratégie actuelle, avec plus de moyens accordés à la communication ;
II. Scénario 2 : Poursuite de la stratégie actuelle, avec de plus une communication axée sur l’injonction ; Comme noté plus haut, la stratégie actuelle semble devoir être affinée. De plus, malgré le peu de données disponibles actuellement (des enquêtes sont en cours et leurs résultats devraient pouvoir être disponibles prochainement), tant les résultats de l’enquête réalisée par la DGS auprès des ARS et que les remontées d’informations venant des professionnels de terrain mettent en garde contre une communication axée sur l’injonction, qui risque de renforcer la suspicion sans pour autant emporter l’adhésion. Le dépistage, traçage, isolement étant étroitement liés cela peut même diminuer la proportion de personnes qui se dépistent pour éviter un éventuel isolement.
III. Scénario 3 : Une stratégie d’obligation des mesures d’isolement des cas, avec la mise en place de mesures contraignantes demandant des révisions législatives et réglementaires, doublée d’une communication axée sur l’injonction Le caractère obligatoire de l’isolement des cas et des personnes-contact, s’il peut éventuellement se justifier en période de crise aiguë (à même de se présenter à nouveau, en particulier dans certaines régions) doit, dans la période actuelle de gestion d’un risque qui s’étale sur la durée, être bien pesé en matière d’efficacité. Dépistage/diagnostic précoce, traçage, et isolement sont étroitement liés et font partie d’une seule entité. Le Conseil scientifique ne recommande pas ce scénario aujourd’hui car, alors que le diagnostic précoce est essentiel, le risque est important en cas d’obligation d’isolement de réduire l’adhésion au dépistage et au diagnostic précoce qui a été construite avec un relatif succès ces derniers semaines et mois, en particulier auprès des jeunes. Si l’isolement devient obligatoire et qu’une série de mesures contraignantes encadrent cette obligation, le risque d’évitement du dépistage, du diagnostic précoce et de refus est majeur, le partage des informations sur les personnes-contact de la part des cas est en effet important. Ce scénario pourrait néanmoins être appliqué en cas de reprise aiguë de l’épidémie et/ou d’échec de la stratégie d’auto-isolement.
III – RENFORCER L’ISOLEMENT DES CAS
IV. Scénario 4 : Une stratégie d’auto-isolement faite de droits et de devoirs, couplant des mesures de compensation et une stratégie de communication adaptée En l’état actuel de l’évolution de l’épidémie et des connaissances, ce scénario est recommandé par le Conseil scientifique.
Il est recommandé de revoir la stratégie d’isolement des cas, par une double approche :
1) La promotion de l’auto-isolement à domicile sans mesure contraignante Etant donné l’importance de l’isolement des cas (et par extension des personnes-contact) dans la lutte contre la pandémie, d’une part, et l’échec relatif de la mise en place des résidences COVID+ dédiées ainsi que les difficultés multiples nécessaires pour en améliorer les conditions (en matière de RH, financement, configuration des locaux versus, conditions de sécurité, protection des mineurs, etc.) d’autre part, le Conseil scientifique recommande que la priorité soit donnée à l’isolement à domicile, même si cela entraine l’isolement de l’ensemble des membres du foyer. Ainsi la capacité, ou non, à démontrer l’existence d’une chambre individuelle par personne dans un foyer ne sera plus un critère majeur. Seules les personnes ne pouvant s’isoler dans leur foyer du fait de leurs conditions de vie pourront être accueillies en résidence COVID+ dédiées pour la durée de leur isolement.
2) La mise en place d’une véritable stratégie de droits et de devoirs, alliant la promotion du devoir de solidarité (par l’auto-isolement) à une palette de mesures d’incitation et de compensation présentées comme des droits et visant à en faciliter l’adhésion. Des mesures d’incitation et de compensation accompagneront le choix de l’auto-isolement à domicile et marqueront les droits des personnes qui, par devoir de solidarité, décideront de l’auto-isolement. Les modalités de contrôle et de suivi – qui devront être rapides et opérationnelles – seront définies par les agences de l’Etat, et pourront être déclinées de façon différentielle par les autorités territoriales. Le rôle des médecins généralistes ou d’autres acteurs de santé de proximité devra être mieux défini, et la mise en œuvre de ces mesures devront impliquer les employeurs ainsi que les collectivités concernées (écoles, activités périscolaires…) afin de favoriser l’isolement chaque fois que nécessaire, et éviter ce qui rendrait l’isolement difficile, notamment dans un contexte de travail. Les enjeux personnels et collectifs devront être expliqués aux cas confirmés et à leur entourage.
Le Conseil scientifique recommande que puissent être mises en œuvre les mesures d’incitation et de compensation suivantes, le temps de l’isolement :
Des prescriptions d’arrêts de travail permettant les procédures réglementaires ;
La mention du motif de l’arrêt de travail doit conduire à l’annulation du délai de carence. Cette mesure demandera une décision réglementaire. Il est à noter que l’isolement n’empêche pas, quand l’activité le permet, de télé-travailler en l’absence de symptômes ;
Une prime de compensation de perte de revenus pour les professions indépendantes et pour ceux ne pouvant prouver de revenus réguliers permettant d’autres formes de compensation ;
Des certificats médicaux permettant aux mineurs dans le foyer de justifier de leur absence de l’établissement scolaire le temps de l’isolement du foyer ;
Des prescriptions permettant un service de prise en charge à domicile des besoins (nourriture, soins de santé, assistantes sociales etc.) si nécessaire par les services spécialisés. Afin de favoriser ce suivi dans la durée, il importe que les données de suivi soient recueillies et analysées de manière systématique et détaillée, notamment à l’échelle territoriale, ce qui nécessite le renforcement du système d’information qui est actuellement insuffisant à ce sujet.
Une communication adaptée accompagnera cette stratégie de promotion de l’autoisolement faite de droits et de devoirs. Le Conseil scientifique considère nécessaire une communication adaptée et spécifique à l’isolement de chacun en cas d’apparition de symptômes, d’attente de réponse d’un test ou de test qui s’est avéré positif. Chaque français doit être en mesure de savoir quel protocole suivre en fonction de son statut vis-à-vis de l’infection, de son état clinique ou biologique notamment, la durée de son isolement, mais aussi le protocole à suivre pour les membres de son foyer. Le Conseil scientifique a par ailleurs déjà soulevé précédemment que la communication concernant l’isolement était plus faible que celles relatives au masque ou au dépistage, ce qui in fine affaiblit l’ensemble de la stratégie de lutte contre l’épidémie. Le Conseil scientifique insiste une nouvelle fois encore sur l’enjeu majeur que représente l’adhésion des citoyens à ce type de mesure. Cela est d’autant plus nécessaire dans le cadre de l’auto-isolement, dont le respect repose sur les responsabilités individuelles de chacun. L’adhésion aux mesures d’isolement conditionnent le respect de ces mesures et leur efficacité sanitaire. Le Conseil scientifique soutient de longue date la nécessité d’associer des membres de la société civile au processus de décision. Il a recommandé à plusieurs reprises la constitution d’un comité de liaison citoyenne, en tant qu’espace de discussion et de propositions. Ce comité n’a pas été mis en place au niveau national. Des conseils rassemblant la société civile pourraient être mis en place au niveau des territoires, afin de discuter par exemple de la mise en place concrète de ce type de mesure.
IV - INFORMATION ET ROLE DE LA SOCIETE CIVILE
En l’état actuel de l’épidémie, chaque citoyen doit être responsable de son isolement en cas de suspicion de COVID-19 ou lorsque la positivité est avérée, ce qui présuppose une information précise sur le protocole à suivre de la part des autorités sanitaires.
L’isolement est un outil largement utilisé dans l’ensemble des pays européens en tant que composante de la stratégie globale de lutte contre la pandémie COVID-19. Cet outil a été cependant décliné de différentes manières en fonction des pays européens. Chez la plupart de nos pays voisins, à savoir l’Allemagne, l’Espagne, l’Italie, le Royaume-Uni, l’Autriche ou encore le Danemark la durée d’isolement est supérieure ou égale à 10 jours avec des modalités différentes en fonction du profil de la personne isolée (symptomatique/asymptomatique, contact à risque élevé, test positif/en attente de test…). Seule la Suède recommande un isolement basé sur une durée de 7 jours après l’apparition des symptômes. Dans la conception des stratégies d’isolement, l’ensemble des pays européens précités ont retenu que les personnes testées positives ainsi que les personnes symptomatiques devaient s’isoler. Différents choix ont été pris concernant les personnes-contact de cas confirmés, les personnes partageant le foyer d’une personne isolée, les personnes asymptomatiques en attente d’un résultat de test, ou encore les voyageurs.
La doctrine concernant le régime de la mesure d’isolement est cependant variable :
L’isolement est une obligation légale, qui peut prendre la forme d’une décision administrative individuelle notifiée, dont le manquement est passible de sanctions. C’est le cas en Allemagne, en Autriche et au Royaume-Uni.
L’isolement est fortement recommandé. C’est le cas notamment pour l’Espagne, l’Italie, le Danemark ou encore la Suède. Finalement, concernant la question du suivi des personnes isolées, cette question semble être celle qui pose le plus de difficulté à l’étranger. Certains systèmes reposent sur le rôle du médecin de proximité comme en Suède et en Autriche, ou bien sur les agents des départements de santé publique locaux comme en Allemagne ou en Italie. L’examen comparatif des modalités d’isolement dans les pays européens met en évidence la difficulté commune d’établir un protocole clair de suivi des personnes isolées au niveau national, et ce, quel que soit le caractère obligatoire ou non de l’isolement de la personne.
- #Covid19 : la synthèse du dernier avis du Conseil Scientifique
- Covid19, Omicron : le Conseil Scientifique publie des recommandations pour la fin d'année 2021
- Variant Omicron : le Conseil Scientifique met à jour son avis au 17 décembre 2021
- Variants indiens du Covid 19 : le conseil scientifique publie une note d'éclairage au 24 mai 2021
- Rentrée des classes le 11 mai : l'intégralité de la note du Conseil scientifique « Enfants, écoles et environnement familial»
Permission de ce forum:
Vous ne pouvez pas répondre aux sujets dans ce forum