Sexualité : l'usage des sites de rencontres à des fins purement sexuelles n'est plus l'apanage des hommes (Ifop)
Mar 27 Nov - 14:55
« Ghosting », « Fishing », « Submarining » ... Enquête sur le « trash dating » sur les applications de rencontre
Etude Ifop / UfancyMe
« Ghosting », « Fishing », « Submarining » et autres manifestations d'une « hookup culture » sont-elles des pratiques répandues sur les plateformes de rencontre ? Observateur attentif des tendances de la rencontre en ligne, le pôle « Genre, sexualités et santé sexuelle » de l'Ifop a réalisé une grande enquête qui offre un panorama des différentes formes de « trash dating » aujourd'hui en vogue sur des applications comme Tinder, Happn ou Grinder.
Réalisée auprès d'un échantillon national représentatif de 2523 Français(es), cette étude montre que les sites de rencontres constituent aujourd'hui un terrain propice à une sexualité purement récréative allant de pair avec la diffusion de la culture du « coup d'un soir » et la perte des formes élémentaires de respect et de courtoisie entre hommes et femmes.
1) Les plateformes de dating constituent un terreau propice aux rencontres sans lendemain au regard de la proportion de « fuckboys » que les femmes ont pu rencontrer en vrai via ce type de plate-forme
En moyenne, les femmes évaluent à 57% la proportion de « fuckboys » parmi l'ensemble des hommes qu'elles ont rencontré sur un site de rencontre, sachant que le terme de « fuckboys » renvoie à ces hommes qui souhaitent coucher avec une femme sans la moindre intention d'avoir une relation sérieuse.
La proportion de femmes ne souhaitant pas d'engagement parmi l'ensemble de celles rencontrées par les hommes est, elle, plus limitée sans pour autant être marginale (en moyenne à 39%), signe que l'usage de ces sites à des fins purement sexuelles est loin d'être l'apanage des hommes...
2) Serendipidating, fishing, breadcrumbing : des techniques de drague sur les sites de dating qui s'apparentent de plus en plus à une pêche au gros...
Un homme sur trois (32%, contre 19% des femmes) s'est déjà livré au « fishing », pratique qui consiste à envoyer le même message à plusieurs femmes puis d'échanger avec celles qui y répondaient en premier en laissant les autres de côté sans explication.
Mais parmi les dernières tendances du moment sur les sites de dating, d'autres techniques de drague ont encore plus la côte comme le « serendipidating » qui consiste à repousser un premier rendez-vous dans l'espoir de rencontrer quelqu'un de mieux d'ici là, en particulier chez les femmes (37%, contre 27% des hommes).
3) Arnaque à la photo, la pose de lapin... Des mauvaises surprises très fréquentes au premier rendez-vous
Cette enquête nous apprend également que la première « date » s'est déjà avérée décevante pour la plupart des personnes ayant déjà obtenu un rendez-vous en vrai avec quelqu'un rencontré via un site de dating.
Les deux tiers des utilisateurs s'étant rendus à un rendez-vous (67%) sont ainsi déjà tombés sur une personne qui ne correspondait pas au profil affiché sur le site. Et pour près de la moitié (53%), ce sentiment de déception a déjà été suffisamment fort pour qu'ils décident « d'écourter au maximum la durée du rendez-vous ».
Les réactions des utilisateurs ne sont toutefois pas toujours aussi brutales : 61% d'entre eux déclarent ainsi que s'ils ont déjà été déçus à cette occasion, ils n'en sont pas moins restés « un certain temps avec cette personne par politesse ».
Cette déception peut prendre aussi parfois une forme de rejet encore plus brutale si l'on en juge par le nombre d'utilisateurs (32%) s'étant déjà retrouvés seuls à un rendez-vous sans que l'autre ne daigne les prévenir.
De manière générale, cette pratique apparaît très genrée au regard du nombre d'hommes déclarant s'être déjà faits « poser un lapin » : 42%, soit deux fois plus que la proportion observée chez les femmes (23%).
Toutefois, le taux observé chez l'ensemble des hommes dissimule de fortes disparités en fonction du niveau social : les victimes de cette pratique sont surreprésentées dans les rangs des catégories populaires (50% des ouvriers en ont déjà été victimes, contre 40% des cadres).
Souvent présentée comme un moment de ?ré-enchantement" de la relation, la première rencontre en face à face est en réalité un moment qui génère souvent un sentiment de déception voire d'humiliation, surtout pour les hommes les moins bien dotés sur le plan économique et social.
4) Ghosting, submarining, mosting, orbiting... Des partenaires souvent jetés comme des kleenex
Ce manque de respect général se traduit également par des formes de rupture désobligeantes vécues sur les sites de rencontre qui, tout comme la pose de lapin, ne sont pas non plus le monopole des hommes.
L'expérience du « ghosting » qui consiste à ne plus donner de nouvelles du jour au lendemain sans donner d'explications a été vécue par autant d'hommes (56%) que de femmes (53%), sachant qu'elle est particulièrement répandue chez les gays (85%, contre 47% de shétéroseuels.)
De même, la pratique du « submarining » qui consiste à recontacter quelqu'un du jour au lendemain sans prendre la peine de s'excuser ou d'expliquer son absence est aussi élevé dans les deux sexes (40%), tout comme l' « orbiting » (30%).
5) Les comportements extraconjugaux sur les sites de rencontre restent quant à eux beaucoup plus genrés.
??? Ainsi, un quart des hommes (25%, contre 18% des femmes) ont déjà maintenu leur profil actif sur une plate-forme de rencontre tout en répondant aux messages et invitations des autres membres.
??? De même, les hommes sont trois fois plus nombreux (23%) que les femmes (8%) à avoir cherché à avoir rapports sexuels avec quelqu'un via ce genre de site en leur cachant qu'ils étaient en couple.
LE POINT DE VUE DE FRANÇOIS KRAUS DE L'IFOP :
« AVANT LES GENS SE MASTURBAIENT, AUJOURD'HUI ILS VONT SUR TINDER... »
En 2015, vous publiez une grande enquête sur la montée de la « hookup culture » sur les sites de rencontre. Cette nouvelle étude vient-elle confirmer les tendances observées par l'Ifop il y a trois ans ?
Plus que jamais. Disons que s'il fallait résumer les résultats de cette étude, je dirais qu'avant les gens se masturbaient, aujourd'hui ils vont sur Tinder pour se masturber avec le corps de l'autre. Du premier contact avec un autre membre à la rupture de ces échanges en passant par la première « date », toutes les étapes de la rencontre en ligne sont aujourd'hui marquées par la perte de l'usage des formes les plus élémentaires de respect ou de courtoisie. Les potentiels partenaires sont « chassés » avec autant de sélectivité que dans une pêche au gros (« fishing »), les gens sont plantés au premier rendez-vous s'ils ne correspondent pas parfaitement au « produit affiché » (« lapin ») et nombre d'utilisateurs ont été jetés du jour au lendemain comme des kleenex après usage (« Ghosting »).
Quelle est pour vous la tendance qui reflète le plus la transformation des sites de rencontre en un lieu de plus en plus propice aux rencontres sans lendemain ?
De toutes les tendances mesurées dans cette étude, c'est sans doute la pratique du « Ghosting » qui est la plus significative de la finalité des rencontres nouées sur ces plateformes. Etroitement corrélée à la pratique du « one-night-stand », cette expérience vécue par la majorité des utilisateurs des sites de rencontre consiste en une rupture brutale et sans explication. En cela, elle est bien le signe de la réduction de la rencontre en ligne à une activité sexuelle quasi solitaire dont on met fin avec autant de considérations que s'il s'agissait d'une propre masturbation, c'est-à-dire seul(e) et en n'en parlant à personne. Cela tient au fait que les applis de dating sont aujourd'hui associées à un modèle de rencontre sans lendemain dont la finalité peut être de combler son égo, accroitre son expérience et surtout d'assouvir la part purement individuelle et compulsive de sa sexualité. Dans cette perspective d'un échange strictement sexuel où on comble avant tout ses pulsions onanistes, l'« autre » ne mérite pas plus d'égards qu'un kleenex...
Qu'est-ce qui explique que les sites de rencontre soient de plus en plus utilisés comme un vivier de partenaires occasionnels ?
Il faut rappeler que ces sites sont les lointains héritiers de deux modes de rencontres : les agences matrimoniales pour la recherche de rencontres durables et le minitel rose pour l'assouvissement des pulsions à court terme. Or, aujourd'hui c'est bien ce dernier qui l'a emporté... Certes, nombre de personnes fondent des couples durables grâce aux sites de rencontre. Mais il est évident que l'explosion des applications comme Tinder, Happn ou Grinder en ont fait des outils de plus en plus perçus comme le mode privilégié pour des rencontres « faciles » avec son corollaire : l'idée que les femmes qu'on y rencontre sont des « filles faciles ». Le non-respect d'un minimum de filtres et de codes sociaux y apparaît donc comme la conséquence du phénomène de massification et de démocratisation inhérent à tout espace devenu gratuit, facile d'accès et ouvert à tous.
François KRAUS, directeur de l'expertise « Genre, sexualités et santé sexuelle » à l'Ifop
FICHE TECHNIQUE :
Étude Ifop pour UfancyMe réalisée par internet du 17 au 19 octobre 2018 auprès d'un échantillon de 1 031 personnes s'étant déjà inscrites sur un site de rencontre, extrait d'un échantillon national représentatif de 2 523 personnes âgées de 18 ans et plus.
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